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Le PLFSS 2019 remet en cause les activités sociales et culturelles versées par les comités d’entreprises

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  • Publication publiée :novembre 8, 2018
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UNE ATTAQUE DIRECTE AU RÔLE DES CSE ET AU POUVOIR D’ACHAT DES SALARIÉS QUE LA CFTC NE SAURAIT ACCEPTER !

L’Assemblée nationale a adopté, le 24 octobre dernier, dans le cadre de l’examen en séance publique du PLFSS 2019 (projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019), l’amendement n°252, visant à modifier les modalités d’attribution des activités sociales et culturelles (ou ASC).

Sous couvert d’une sécurisation juridique des pratiques existantes admises par l’administration de sécurité sociale (ACOSS et URSSAF), les députés ont inscrit en PLFSS, par voie d’amendement, un article 7bis qui érige en norme l’exonération de cotisations sociales pour les sommes versées au titre des ASC mais en l’encadrant de plafonds beaucoup plus stricts que les plafonds admis actuellement. Concrètement, la totalité des aides versées au salarié au titre des ASC ne devra pas excéder 332 € par an (10% du plafond mensuel de sécu) et 664 € pour un salarié avec enfants (20% de ce même plafond).

Si elle était adoptée, cette mesure serait une atteinte à la vocation sociale et familiale des ASC dans leur ensemble. Elle se traduirait par une perte de pouvoir d’achat sans précédent pour des millions de salariés et d’agents du public, en particulier pour les salariés avec enfants. De plus, elle présenterait un risque de détérioration du dialogue social autour de l’enjeu salarial.

Déjà à l’automne 2016, le gouvernement avait missionné l’Inspection Générale des Finances dans l’objectif de légiférer dans le cadre du PLFSS 2017. Auditionnée à cette fin, la CFTC avait déploré l’absence de données et chiffres fiables sur ce sujet. Elle avait alerté sur les conséquences de décisions inappropriées et surtout hâtives au regard des enjeux, de la complexité et la sensibilité du sujet. Cette mission n’était pas allée à son terme, faute de temps et de données disponibles.

Aujourd’hui, sans données supplémentaires et sans réflexion préalable, le Parlement s’empare de la question et fait le choix d’une solution que la CFTC ne saurait accepter.

Compte tenu de l’impact sociétal, social et économique et de la nécessaire stabilité et prévisibilité de la norme sociale, ce sujet mérite une concertation approfondie.

UNE SECURISATION JURIDIQUE COMPREHENSIBLE, MAIS DE PORTEE LIMITEE

En premier lieu, il convient de saluer la volonté du législateur d’inscrire dans la loi le principe d’exonération de cotisations sociales pour les avantages relevant des ASC. Cette sécurisation juridique est de nature à répondre à une situation dans laquelle les tolérances administratives qui régissent les modalités d’attribution de certaines ASC (circulaires ACOSS par exemple) sont dépourvues de toute portée normative, pouvant ainsi mettre en difficulté des entreprises de bonne foi en cas de redressement. Une inscription dans la loi constitue donc une norme juridique opposable.

Cependant, il convient de bien mesurer la limite de ce principe de sécurisation :

  • Les cas connus de redressement (par exemple à l’origine de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 2017, souvent pris comme cas d’école) sont peu nombreux et portent avant tout sur une mauvaise application de la réglementation en vigueur (des dotations qui dépassent les plafonds d’exonération, ou réalisées sur des critères discriminatoires notamment) ;
  • La sécurisation juridique des ASC ne permettra pas aux petites entreprises de distribuer des avantages qu’elles n’ont pas les moyens d’offrir. La problématique de l’égalité d’accès des salariés des TPE/PME devant les ASC est avant tout économique, avant d’être juridique.

UNE PERTE DE POUVOIR D’ACHAT SANS PRECEDENT POUR DES MILLIONS DE SALARIES

Des millions de salariés du privé ont accès à un CE et les agents du public ont accès à des dispositifs similaires (COS, CGOS, CNAS, AGOSPAP…), tandis que les salariés des TPE ont la possibilité de recevoir des avantages directement de leur employeur.

Tous ont donc accès à divers dispositifs (aide au secours, aides directes aux vacances, cadeaux et bons d’achat, accès à la culture, à la pratique sportive, participation à la billetterie…), répondant à des règles (sur les montants et les plafonnements) différentes. En introduisant un « forfait global » pour l’ensemble des dotations sociales et culturelles, ces dispositifs seront regroupés : 332€ (10% du plafond mensuel de sécu) par an et par salarié, et 664€ (20% de ce même plafond) si le salarié a des enfants, quel qu’en soit le nombre. S’ils dépassent ces plafonds, les CE et les entreprises seront soumis aux prélèvements sociaux : ils n’iront donc pas au-delà !

La logique d’enveloppe « tout compris » conduit nécessairement à un rabotage fort des prestations. Par exemple, les aides directes aux vacances pour les salariés qui en bénéficient représentent souvent plus de 350€. Dans ce cas, toute l’enveloppe serait consommée, empêchant le salarié d’accéder à d’autres prestations sociales ou culturelles. Autre exemple, l’intégration de la solidarité dans le calcul du forfait global pénalisera au plus haut point les bénéficiaires les plus précaires.

LA FIN DE LA VOCATION FAMILIALE DES ASC

Les modalités d’attribution des ASC tiennent compte, pour certaines d’entre elles, du nombre d’ayants-droits (enfants) qui peuvent bénéficier de ces prestations. Cette règle est la condition indispensable de l’équité entre les salariés, en soutenant des prestations proportionnelles aux nombre d’enfants. Or, la rédaction actuelle de l’amendement N°252 limite très fortement la vocation familiale des ASC : les nouveaux plafonds seront majorés à 20% du PMSS, quel que soit le nombre d’enfants à la charge du salarié. Les conséquences sont immédiates : à partir du 2éme enfant éligible aux prestations (Noël enfant + rentrée scolaire par exemple), les salariés parents seront pénalisés.

Dès lors, les salariés avec enfants devront se livrer à des arbitrages intenables pour « tenir leur enveloppe » : accéder à la culture ou obtenir une aide au départ en vacances en famille ? Privilégier la rentrée scolaire des enfants mais renoncer à la pratique sportive ? Solliciter une prestation de secours en cas de coup dur au risque d’être privé d’une dotation Noël enfants ? Autant de dispositifs qui s’articulent aujourd’hui sans être en concurrence, dans la limite du budget du CE. Demain, plus les salariés auront d’enfants, moins ils seront aidés par leur CE.

LA MISE EN CONCURRENCE DES ASC

La totalité des prestations relevant des ASC sera donc regroupée dans un forfait global limité, là où la situation actuelle prévoit que les dispositifs répondant à des objectifs sociaux différents (social, culture, enfance, loisirs, vacances…) sont soumis à des plafonds différents.

Le législateur a même admis que certains dispositifs ne soient pas plafonnés, comme l’accès à la culture par exemple (par les subventions CE à la billetterie musée/spectacle, l’organisation d’événements culturels ou la dotation de chèques/cartes culturelles), estimant que, dans la limite des moyens du CE (son budget), l’accès à la culture pour les salariés et le soutien au secteur culturel français justifiaient qu’il n’y ait pas de limite particulière. Il en est de même pour la pratique sportive, soutenue significativement par les entreprises et les CE.

Désormais, dans la limite de 10% du plafond mensuel de sécu, salariés et CE devront donc choisir entre des prestations qui vont entrer en concurrence les unes par rapport aux autres :

  • Prestations de secours (caisses de solidarité)
  • Bons d’achat (titres cadeau) et cadeaux en nature
  • Titres culturels (chèques/cartes culture, lecture…)
  • Participation financière aux vacances des salariés
  • Participation financière aux vacances des enfants (colonies de vacances notamment)
  • Participation financière aux loisirs (participation du CE pour les parcs, les cinémas, les sorties…)
  • Participation financière à la pratique sportive (salle de sport, clubs sportifs)

Nb : par le sous amendement N°1589, le gouvernement a exprimé sa volonté de ne pas intégrer les Chèques Vacances à ces nouveaux plafonds. Il disposera donc de plafonds spécifiques et n’entrera pas en concurrence avec les autres ASC.

Qui peut aujourd’hui anticiper quel sera le comportement des salariés et des CE devant cette obligation de faire un choix ? A quoi les salariés devront-ils renoncer ? En outre, certains secteurs économiques fortement soutenus par les entreprises et les CE, comme la culture, le sport ou le tourisme, risquent d’être durement impactés.

REDUITE A DES GUICHETS, LA VOCATION SOCIALE DES CE VA DIMINUER

Les Comités d’Entreprise ont plus de 70 ans et leur vocation n’a jamais été financière, mais sociale, solidaire et culturelle. Le rôle des CE est de proposer des orientations, des programmes, des choix de prise en charge de telle ou telle problématique sociale, correspondant au diagnostic réalisé dans l’entreprise. Ces choix et ces programmes se traduisent ensuite par des prestations.

 En réduisant leur rôle à celui d’un simple distributeur d’une enveloppe elle-même très réduite, ce sont tous les fondements des CE qui sont remis en cause. Comment développer une véritable politique sociale lorsque vous ne disposez plus de caisse de solidarité, de budget pour l’aide aux vacances, ou de possibilité de favoriser l’accès à la culture pour vos bénéficiaires ?

Les CE risquent donc d’être condamnés à une politique de saupoudrage, d’abord tournée vers des prestations individuelles permettant aux salariés de consommer leur enveloppe.

PAS DE RECETTES SUPPLEMENTAIRES POUR LES COMPTES PUBLICS… MAIS UNE BAISSE DES BUDGETS CE A TRES COURT TERME

Face à une telle limitation des ASC, il est probable que de nombreux CE se trouvent, au terme de la première année d’entrée en vigueur de cette mesure, en incapacité de verser la totalité de leurs dotations ASC.

On peut certes imaginer que des effets de report apparaissent sur d’autres dispositifs dont les plafonds seraient plus généreux, comme le Chèque Vacances ou le Cesu préfinancé. Mais l’attente des salariés se situe majoritairement sur les activités sociales et culturelles. Concrètement, qui voudrait échanger sa dotation « Noël enfant » contre des heures de ménage ?

Dès lors, il est légitime de penser que les entreprises ajusteront rapidement le budget ASC des CE à la baisse, dès l’année suivante, en constatant les montants non consommés.

En revanche, il serait erroné de croire que cette mesure permettra aux comptes publics de bénéficier d’un surcroit de cotisations sociales grâce à ces plafonds limitatifs : demain, aucune entreprise ni aucun CE n’iront au-delà des plafonds d’exonération, pas plus qu’ils ne le font aujourd’hui, puisqu’ils seraient assujettis à cotisations. Seuls les salariés bénéficiaires, aux prestations réduites, seront perdants

UN CLIMAT SOCIAL TENDU AUTOUR DE L’ENJEU SALARIAL

Administration et gouvernement n’ont de cesse de déplorer, depuis plusieurs années, l’effet de « substitution au salaire » que constituent les ASC. Cette logique est contestable : les ASC sont des prestations qui ne se traduisent pas systématiquement par une dotation financière au bénéficiaire, elles peuvent prendre la forme d’événement collectifs (arbre de Noël, spectacle, sortie culturelle…). Surtout, les ASC correspondent à des montants affectés (solidarité, culture, vacances…), pour répondre au diagnostic social interne que les représentants des salariés et des employeurs ont tiré de l’entreprise.

Pour autant, s’ils ne constituent pas du salaire, ces avantages représentent un montant financier que les salariés n’ont pas à dépenser eux-mêmes pour accéder à des prestations sociales et culturelles. Pour des millions de salariés, l’impact de l’amendement N°252 va se traduire par une perte de pouvoir d’achat de plusieurs centaines d’euros par an, en particulier pour :

  • Les salariés avec 2 enfants ou plus ;
  • Les salariés les plus modestes, qui ont plus recours à l’appui du CE (solidarité et vacances notamment).

Cette perte sèche risque de se traduire par une revendication de compensation directement sur les salaires, dès les négociations obligatoires de l’année suivante. Cette situation dégradera le climat social des entreprises, car les employeurs ne sont pas en capacité de compenser en salaires, par définition assujettis à cotisations, la totalité des montants perdus en ASC, qui eux sont exonérés.

UNE CONCERTATION INDISPENSABLE

Il ne semble donc pas raisonnable d’adopter une mesure portant en elle de telles conséquences sans concerter auparavant l’ensemble des parties prenantes au débat. L’écosystème des CE est large :

  • CE de toutes tailles et leurs équivalents publics
  • Partenaires sociaux
  • Fournisseurs de services aux CE (émetteurs de titres cadeau/culture, Ancv, prestataires conseils)
  • Secteurs économiques concernés : tourisme/voyage, culture, loisirs et sport principalement

Sans nécessairement appeler au statu quo et reconnaissant l’utilité d’une sécurisation juridique des pratiques actuelles, la CFTC demande qu’une concertation soit menée en se donnant les moyens d’une expertise préalable.

Au lieu de réformer dans la précipitation le dispositif, la CFTC demande que le Gouvernement remette au Parlement, courant 2019, un rapport établissant des scénarii de réforme de ces avantages et évaluant les diverses conséquences pour les finances sociales. Ce rapport serait établi en concertation avec toutes les parties prenantes, en particulier les salariés, les employeurs et les secteurs économiques concernés.

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