Un salarié qui fait une chute dans une discothèque à 3 heures du matin alors qu’il se trouve en mission en Chine est-il victime d’un « accident de mission » ? Cette question peut paraître surprenante… Pourtant, elle s’est posée tout récemment ! L’occasion pour nous de revenir sur la qualification d’accident de mission et ses conséquences.
Accident de mission : qu’est-ce que c’est ?
Selon le Code de la Sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise » (Code de la Sécurité sociale, L. 411-1). Cette définition correspond bien au cas – classique – de l’accident qui se produit au temps et sur le lieu de travail du salarié par exemple. Mais qu’en est-il de la situation du collaborateur envoyé en mission à l’autre bout du monde qui se blesse ? Les juges, depuis plusieurs années, ont progressivement assoupli les critères pour permettre à ce salarié de bénéficier de la protection prévue en cas d’accident du travail. Et en pratique ?
Chute en discothèque et accident de mission
Un salarié, en mission en Chine, déclare à son employeur qu’il a été victime d’un accident du travail le 19 juillet 2013 à 3 heures du matin. Que s’est-il passé ? Il a glissé en dansant dans une discothèque et s’est blessé à la main. Par la suite, l’employeur transmet une déclaration d’accident du travail à la CPAM. Comme nous pouvons nous en douter, il émet des réserves en précisant que le salarié s’est rendu en discothèque « de sa propre initiative ». Après enquête, la caisse prend pourtant en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, ce qui lui vaut une contestation par l’employeur.
Que vont décider les magistrats au final ?
Tout d’abord, ils rappellent la position habituelle de la jurisprudence en la matière : « le salarié effectuant une mission a droit à la protection (…) pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel ».
Pendant la mission le salarié bénéficie ainsi d’une présomption d’imputabilité de l’accident au travail que l’employeur ou la caisse peuvent renverser en prouvant l’interruption de la mission pour un motif personnel.
En l’occurrence, le fait que le collaborateur se soit trouvé en discothèque suffit-il à exclure la qualification d’accident de mission ?
Non… La cour d’appel considère que « si la présence de M. X… dans une discothèque et l’action de danser dans celle-ci n’est pas un acte professionnel en tant que tel, vu sa profession, il n’en reste pas moins qu’il incombe à l’employeur de démontrer qu’il se trouvait dans cet établissement pour un motif personnel, la seule présence dans une discothèque ne pouvant suffire à démontrer qu’il n’existerait aucun lien entre celle-ci et l’activité professionnelle du salarié ; qu’aucun des éléments versés aux débats ne permet d’exclure que M. X… se serait rendu en discothèque pour les besoins de sa mission en Chine, que sa présence en ce lieu aurait eu pour but, par exemple, d’accompagner des clients ou collaborateurs, ou de répondre à une invitation dans le cadre de sa mission ».
En d’autres termes, l’employeur n’a pas prouvé que le salarié s’était rendu en discothèque pour un motif personnel. C’était bien sur lui que reposait la charge de la preuve. Et donc ? Le salarié a pu bénéficier de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail.
Des questions sur la reconnaissance des accidents du travail ? Vous trouverez plus de jurisprudence dans la documentation « Jurisprudence commentée en santé sécurité au travail ».
Cour de cassation, 2e chambre civile, 12 octobre 2017, n° 16-22.481 (le salarié en mission est protégé au titre des accidents du travail sauf si l’employeur prouve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel)
auteur : Sabine Guichard