publication originale du 24/02/2021 par la rĂ©daction des Ăditions Tissot
On parle beaucoup des sanctions (lourdes !) encourues par lâemployeur qui ne met pas en place la BDES. Moins souvent de celles encourues par le salariĂ©, responsable des ressources humaines, qui ne sâest pas occupĂ© de mettre Ă disposition des Ă©lus la base de donnĂ©es. Il peut en effet sâagir dâune cause de licenciement comme lâillustre une affaire rĂ©cente.
Non mise en place de la BDES : des risques pour lâentreprise
Le fait pour une entreprise de ne pas mettre en place la BDES lâexpose Ă une action au pĂ©nal pour dĂ©lit dâentrave (jusquâĂ 7500 euros dâamende).
Cette action peut ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e par les reprĂ©sentants du personnel de lâentreprise (ils saisissent directement le tribunal correctionnel pour que soit reconnue lâentrave Ă leur bon fonctionnement) ou suite Ă transmission dâun procĂšs-verbal de lâinspection du travail.
Les reprĂ©sentants du personnel peuvent aussi saisir le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s en urgence pour quâil ordonne une mise en conformitĂ©.
Mais ce nâest pas tout ! La Cour de cassation a dĂ©jĂ mis en lumiĂšre dâautres consĂ©quences importantes :
- le dĂ©lai de consultation accordĂ© aux Ă©lus sur les orientations stratĂ©giques de lâentreprise ne court pas ;
- un projet de cession peut ĂȘtre bloquĂ© ;
- un PSE peut ĂȘtre suspendu (voir notre article « BDES : les premiĂšres sanctions tombent pour lâemployeur »).
Lâabsence de BDES peut aussi vous mettre en porte-Ă -faux par rapport Ă vos obligations relatives Ă lâindex Ă©galitĂ© professionnelle puisque les rĂ©sultats et la mĂ©thode de calcul doivent ĂȘtre communiquĂ©s aux Ă©lus via la BDES.
Et ne vous pensez pas Ă lâabri si vous avez mis en place une BDES : pour Ă©chapper aux sanctions il faut une BDES complĂšte et actualisĂ©eâŠ
Non mise en place de la BDES : une cause de licenciement du responsable RH
Dans lâaffaire en question un salariĂ© responsable des ressources humaines a Ă©tĂ© licenciĂ© pour faute grave.
La lettre de licenciement lui reprochait, en premier lieu, de ne pas avoir mis Ă la disposition du comitĂ© d’entreprise une base de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales suscitant le mĂ©contentement de ses membres et la menace d’une action pour dĂ©lit d’entrave.
Lâemployeur soulignait que le salariĂ© occupait le poste de directeur des ressources humaines chargĂ©, en cette qualitĂ©, de veiller au respect des dispositions lĂ©gales et rĂ©glementaires s’imposant Ă l’entreprise, d’assurer une veille rĂ©glementaire ainsi que d’organiser et d’animer les instances reprĂ©sentatives du personnel dans le cadre d’une communication de qualitĂ©.
La cour dâappel avait jugĂ© le licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse au motif que la lettre de licenciement reprochait au salariĂ© de ne pas avoir exĂ©cutĂ© les attributions relevant normalement de ses fonctions, mais pas de l’avoir fait de maniĂšre volontaire ou de s’ĂȘtre rendu responsable d’une insubordination, en sorte que le licenciement, prononcĂ© pour faute grave, reposait sur une insuffisance professionnelle non fautive. La Cour de cassation nâa pas suivi estimant quâil aurait fallu rechercher si lâabstention du salariĂ© dans lâexĂ©cution de ses tĂąches ne procĂ©dait pas dâune mauvaise volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e.
Au final la sanction encourue par le RH est bien un licenciement mais il peut ĂȘtre de deux sortes : soit un licenciement pour faute grave si le salariĂ© a fait preuve de mauvaise volontĂ© soit un licenciement pour insuffisance professionnelle dans le cas contraire. Etant prĂ©cisĂ© que lâinsuffisance professionnelle ne constitue pas une faute et ne nĂ©cessite donc pas le suivi de la procĂ©dure disciplinaire.
Cour de cassation, chambre sociale, 27 janvier 2021, n° 19-16.692 (pour licencier pour faute un salariĂ© qui sâabstient de remplir ses tĂąches, il faut regarder sâil y a une mauvaise volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e)
Anne-Lise Castell