Le bore-out ou la double peine

Le bore-out ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Encore une nouvelle pathologie liĂ©e au travail ? En fait, on pourrait considĂ©rer le bore-out comme le petit cousin du burn-out (syndrome d’épuisement par le travail). Alors que ce dernier est parfois surnommĂ© « la maladie des battants » et revĂȘt ainsi un caractĂšre positif (voire enviable ?), le bore-out, lui, souffre d’une image beaucoup moins glorieuse.

Le bore-out : de quoi s’agit-il ?

Le terme « bore-out » vient de l’anglais boring qui signifie ennuyeux. Il s’agit d’un ennui profond, tellement puissant qu’il nuit Ă  notre santĂ© psychologique (si, si c’est possible !) d’oĂč son appellation officielle « syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui ».

Mais alors comment peut-on s’ennuyer au travail ? Dans certains cas, le salariĂ© peut rester plusieurs semaines ou plusieurs mois sans activitĂ©. Cela peut correspondre Ă  un vide quantitatif : une absence de tĂąches prĂ©vues dans l’agenda ou Ă  un vide qualitatif : le salariĂ© juge les tĂąches qu’on lui confie bien en dessous de son seuil de compĂ©tences, c’est bien trop facile pour lui, il s’ennuie.

Il est important de rapidement distinguer le bore-out de la « placardisation ». Contrairement Ă  cette derniĂšre, le bore-out ne relĂšve pas d’une volontĂ© de la part de l’entreprise de nuire au salariĂ© mais c’est l’organisation du travail ou la fluctuation de l’activitĂ© qui peuvent ĂȘtre responsables de ce phĂ©nomĂšne. Des consultants exposĂ©s Ă  un long vide d’activitĂ© entre deux projets ou des salariĂ©s en contexte de PSE dont le site va fermer dans les mois qui suivent peuvent potentiellement se retrouver en bore-out.

Le bore-out : comment reconnaßtre une personne en bore-out ? Quels sont les signes à repérer ?

Le bore-out se caractĂ©rise par trois Ă©lĂ©ments : l’ennui, l’absence de dĂ©fis et le dĂ©sintĂ©rĂȘt. A terme, on peut voir apparaitre des symptĂŽmes tels que la fatigue chronique voire mĂȘme la dĂ©valorisation de soi.

Le bore-out : pourquoi est-il si néfaste pour notre santé ?

L’oisivetĂ© n’est-elle pas la clĂ© du bonheur ?

Il y a bien longtemps, le travail avait effectivement une connotation trĂšs nĂ©gative. N’oublions pas que le terme « travail » vient du latin tripalium qui ne dĂ©signait rien d’autre qu’un instrument de torture ! Dans l’antiquitĂ©, seuls les esclaves travaillaient et l’oisivetĂ© Ă©tait synonyme de richesse. Et si l’on regarde du cĂŽtĂ© de la religion catholique, le travail est prĂ©sentĂ© comme la consĂ©quence d’une faute grave qui mĂ©rite sanction.

Mais la sociĂ©tĂ© actuelle a bien changĂ© et le regard qu’elle pose aujourd’hui sur le travail est tout autre. Dans un monde qui ne parle et ne vit qu’autour de la crise et du chĂŽmage, travailler est dĂ©sormais devenu essentiel. Attardons-nous un instant sur ses bĂ©nĂ©fices.

Le travail nous permet de nous dĂ©velopper, de grandir, il est source de motivation et mĂȘme d’épanouissement. Mais ce n’est pas tout. Le travail participe Ă  la construction de l’identitĂ© de l’individu, cela lui confĂšre un rĂŽle, une place dans la sociĂ©tĂ©. Qui ne s’est jamais prĂ©sentĂ© en citant sa profession « Bonjour, moi c’est Paul, 34 ans, ingĂ©nieur dans l’industrie pharmaceutique ».

Le bore-out va remettre en cause cette identitĂ© de travailleur en questionnant le sens de notre prĂ©sence. Certes on a un emploi, mais pas forcĂ©ment le travail qui va avec. Certes on a un salaire, mais on ne le mĂ©rite pas. Ce syndrome de l’imposteur va gĂ©nĂ©rer honte et culpabilitĂ©.

Au dĂ©but on se dit que c’est normal, que c’est temporaire et que c’est dĂ» au contexte et Ă  l’activitĂ©, en bref, on n’y est pour rien. Puis on se rassure en se disant que les collĂšgues aussi sont ensous-charge alors ce n’est pas si grave que ça. Et puis, aprĂšs Ă©puisement de toutes les explications possibles, on finit par se dire que c’est forcĂ©ment de notre faute si on n’a pas de travail, que l’on ne doit pas ĂȘtre assez compĂ©tent pour qu’on nous confie quelque chose. Et l’engrenage vers la culpabilitĂ© et la dĂ©valorisation de soi commence ainsi.

Et si encore on pouvait partager notre mal-ĂȘtre, mais non ce n’est pas si simple. Si on s’adresse Ă  ses collĂšgues ou Ă  ses amis, on a de grandes chances d’entendre ça : « comment tu peux te plaindre de t’ennuyer quand tous tes collĂšgues croulent sous le travail ! » ou encore « mais tu as la chance d’avoir un travail, il y a tellement de gens au chĂŽmage de nos jours ! ».

Le salariĂ© va alors ĂȘtre obligĂ© de porter un rĂŽle de « travailleur » puisqu’il ne peut pas assumer en public sa situation trop honteuse. Il va se doter d’un masque social et faire comme si il avait effectivement des tĂąches Ă  accomplir. Cela lui permet aussi un confort psychologique plus grand : puisque son comportement est en accord avec son statut de salariĂ©, il rĂ©duit le syndrome de l’imposteur. Il va alors dĂ©velopper des stratĂ©gies hyper ingĂ©nieuses pour occuper ses journĂ©es. Par exemple, prendre deux heures pour envoyer un mail ou relire dix fois le mĂȘme dossier. Il va chercher Ă  remplir le temps comme il peut et « afficher un travail ».

Le bore-out engendre isolement, honte et culpabilitĂ©. Finalement « l’oisivetĂ© est plus embarrassante que les affaires » (Joseph Michel Antoine Servan, Extrait d’un portefeuille, 1807).

Pour toutes vos questions concernant la motivation des salariés au travail, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Risques psychosociaux ».

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