La lettre, en date du 9 mars, est signĂ©e par Philippe Louis, son prĂ©sident, et par Bernard Sagez, son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Dans ce courrier, adressĂ© aux candidats Ă lâĂ©lection prĂ©sidentielle, la CFTC les interpelle Ă partir de ses prĂ©occupations syndicales. Deux postulants Ă lâĂlysĂ©e nâen sont pas destinataires : Marine Le Pen et Jean-Luc MĂ©lenchon, dont les propositions sont jugĂ©es, aux yeux de la centrale chrĂ©tienne, « rĂ©dhibitoires, comme la sortie de lâEurope » et, pour la premiĂšre, « la prĂ©fĂ©rence nationale«. Il est vrai que, par deux fois, le Front national a semĂ© le trouble dans cette organisation. En octobre 2016,  Joseph Thouvenel, son vice-prĂ©sident, avait participĂ©, « à titre personnel«, Ă un rassemblement de La Manif pour tous, place du TrocadĂ©ro Ă Paris, oĂč il avait prononcĂ© un violent discours contre les « élites dĂ©liquescentes » et oĂč il sâĂ©tait fait photographier aux cĂŽtĂ©s de Marion MarĂ©chal-Le Pen, dĂ©putĂ©e FN du Vaucluse. La CFTC avait dĂ» rappeler son « dĂ©saccord total avec ce parti, empĂȘchant ainsi toutes relations ».
Plus rĂ©cemment, en janvier, la centrale avait dĂ» mettre fin au contrat dâassociation entre son syndicat de police et la FĂ©dĂ©ration professionnelle indĂ©pendante de la police (FPIP), une organisation Ă©tiquetĂ©e Ă lâextrĂȘme droite qui, dans un tract avec le sigle CFTC, avait chantĂ© les louanges de Mme MarĂ©chal-Le Pen. Dans son courrier aux candidats, la CFTC se dĂ©clare non partisane et « soucieuse de son devoir de neutralité », tout en se dĂ©finissant curieusement comme une « organisation politique au sens premier du terme (contribution à lâĂ©dification de la citĂ©) ». Elle souligne quâelle « entend transformer l
a société par la recherche du bien commun  et la concorde sociale et non par le développement systématique des antagonismes ».
Onze grandes thĂ©matiques sont passĂ©es en revue. Pour Philippe Louis, « il est impĂ©ratif que le prochain prĂ©sident de la RĂ©publique oriente sa politique de protection sociale et dâemploi vers une sĂ©curisation des parcours de vie accrue, vers une Ă©volution plus ambitieuse de ce dispositif, un rĂ©gime social universel dâactivitĂ© que nous appelons de nos vĆux pour crĂ©er de nouveaux droits lĂ©gitimes pour tous ». Ă propos de l’ »ubĂ©risation » de la sociĂ©tĂ©, elle demande aux candidats quelle politique ils mettraient en place « pour accompagner lâessor de ces nouvelles formes dâemploi sans remettre en question les droits sociaux des travailleurs ».
Au revenu universel, elle oppose un « revenu de dignité«. Elle prĂ©conise un «revenu contributif» qui, «conditionnĂ© Ă lâexercice dâune activitĂ© reconnue », « agirait comme un complĂ©ment de revenu durant les transitions professionnelles afin de sĂ©curiser/encourager celles-ci. Il garantirait Ă©galement un niveau de revenu digne ». Elle sollicite le soutien des candidats pour lâorganisation dâun « Grenelle du numĂ©rique et de la robotique » et le lancement dâune « campagne nationale de sensibilisation au bien-ĂȘtre au travail ». Elle dĂ©fend le compte pĂ©nibilitĂ© â en demandant aux destinataires de son courrier sâils veulent le pĂ©renniser, le modifier ou le supprimer â ainsi que le compte personnel dâactivitĂ©, introduit par la loi El Khomri, auquel elle souhaite ajouter le droit au logement et un compte temps.
Sur la santĂ©, la CFTC demande aux candidats si il y a « matiĂšre Ă repenser cette architecture de la couverture de soins afin dâen amĂ©liorer lâefficacitĂ©, en rĂ©duisant notamment le reste Ă charge Ă lâinstar du rĂ©gime dâAlsace-Moselle dâassurance-maladie«. Son interpellation vise aussi les thĂšmes de la retraite et de la famille. Elle sâoppose Ă la nĂ©cessitĂ© dâune nouvelle rĂ©forme et Ă un relĂšvement de lâĂąge lĂ©gal Ă 65 ans  et juge « souhaitable de favoriser la retraite choisie ».  « Que comptez-vous faire pour valoriser le temps consacrĂ© Ă leur famille (enfants et ascendants) de ceux qui font ce choix, Ă un ou plusieurs moments de leur vie?, interroge-t-elle. Seriez-vous prĂȘt Ă reconnaĂźtre ce temps comme une activitĂ© Ă part entiĂšre? ». Pour que la France respecte lâaccord de Paris sur le climat, elle se prononce pour une politique environnementale ambitieuse et rĂ©clame une fiscalitĂ© Ă©cologique.
La CFTC interpelle aussi les candidats sur leur conception des services publics et lâĂ©volution des effectifs de la fonction publique, en rĂ©affirmant son attachement à  « lâexistence de services publics de qualitĂ©, disposant de moyens humains et matĂ©riels pour remplir leurs missions au service de la population sur tout le territoire national ». Sur lâEurope, elle dĂ©nonce « de forts dĂ©sĂ©quilibres et une concurrence dĂ©loyale de la part de certains Ătats » et sâinquiĂšte de lâimpasse sur la rĂ©vision de la directive sur le dĂ©tachement des travailleurs. « Ătes-vous favorable Ă une harmonisation de la lĂ©gislation sociale, environnementale et fiscale europĂ©enne? », interroge-t-elle. Sa derniĂšre thĂ©matique concerne « la dĂ©mocratie sociale » â une formule absente de la plupart des programmes â sur laquelle elle attend des « mesures pour la formalisation dâun dialogue sociale efficient «  qui « puisse permettre Ă chaque voix du syndicalisme de sâexprimer ». RĂ©clamant le respect des corps intermĂ©diaires, elle juge « nĂ©cessaire de poursuivre les rĂ©formes visant un dialogue social performant que ce soit au niveau national, au niveau des branches et encore de lâentreprise ».
La centrale chrĂ©tienne prĂ©vient les destinataires de son courrier quâelle publiera leurs rĂ©ponses en ligne sur son site internet, « sans aucun jugement de valeur ». Comme Ă lâaccoutumĂ©e, elle ne donnera aucune consigne de vote. Mais Philippe Louis continuera Ă rencontrer les candidats en dehors de ceux prĂ©citĂ©s. Il sâest dĂ©jĂ entretenu avec BenoĂźt Hamon et Jean Pisani-Ferry, qui pilote le programme Ă©conomique dâEmmanuel Macron, et devait de nouveau voir, jeudi 9 mars, GĂ©rard Larcher, le prĂ©sident du SĂ©nat, chargĂ© par François Fillon dâauditionner les partenaires sociaux.
Le blog de Michel Noblecourt (Le Monde)