Une enquête de la BBC diffusée mardi 25 octobre révèle que des réfugiés syriens mineurs travaillent dans des usines textiles en Turquie. Ils produisent, pour des salaires de misère, des vêtements pour les entreprises britanniques Marks & Spencer et Asos. Ces révélations ne surprennent pas Nayla Ajaltouni porte-parole du collectif Éthique sur l’étiquette. Elle regrette ces « scandales qui s’accumulent », et « les marques [qui] ne réagissent pas ».
franceinfo : Ces révélations de la BBC vous étonnent-elles ?
Nayla Ajaltouni : Non, ça nous étonne peu. Ce n’est pas la première fois que des journalistes dénoncent ce qui se passe en Turquie avec les réfugiés syriens. Nos homologues sur place nous ont alertés depuis plusieurs mois déjà. Ce que l’on remarque, c’est que les scandales s’accumulent et que les marques, les grands donneurs d’ordre internationaux, ne réagissent pas.
Le travail des enfants est-il si répandu en Turquie ?
Il existe toujours, même s’il est plus répandu dans d’autres pays, comme le Bangladesh ou l’Inde. Il avait diminué dans le secteur du textile, mais l’afflux massif de réfugiés syriens a malheureusement fourni une nouvelle main-d’œuvre à bas coût, quasiment gratuite. Leur situation économique est telle qu’ils sont acculés. Ils n’ont d’autre choix que d’accepter ces conditions déplorables. Les enfants et leurs parents sont payés en deçà du salaire minimum qui existe pourtant en Turquie.
Les grandes marques peuvent-elles ignorer ce qui se passe dans les usines de leurs sous-traitants ?
Elles peuvent l’ignorer une fois, deux fois, mais elles ne peuvent pas l’ignorer pendant 20 ans. Et surtout, il faut remédier au fait qu’elles l’ignorent. Leur modèle de production, à des coûts toujours plus bas dans des délais toujours plus serrés, fait qu’elles ont besoin d’une main-d’œuvre peu cher. Donc, c’est leur propre modèle qui engendre ces conditions inacceptables de travail. Alors, il y a une loi qui est en discussion aujourd’hui en France, la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. La plupart des grands groupes, et aussi le Medef [organisation patronale représentant des entreprises françaises], y sont opposés parce que cette loi les rendrait juridiquement responsables d’un manque de contrôle de leur chaîne de sous-traitants. Or, si on n’impose pas de règles à ces multinationales, l’exploitation [des mineurs] continuera, y compris des personnes les plus démunies.