L’Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au Travail définit les violences externes comme des insultes, des menaces, des agressions physiques ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l’entreprise, y compris les clients, qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être. Comment les prévenir ?
De nombreux professionnels œuvrant au contact du public (enseignants, postiers, urgentistes, agents des transports ou de la CAF, etc.), notent une augmentation des actes de violence physique et des comportements agressifs au sein de la société.
Cela avait notamment été observé à l’occasion de l’enquête SUMER 2010 sur les conditions de travail : des contacts avec le public de plus en plus fréquents et des comportements hostiles du public en augmentation. Le « rapport Gollac » présente aussi les risques relatifs aux violences externes et aux tensions avec le public comme des variables importantes de la santé au travail (renvoyant aux exigences émotionnelles d’une tâche ou d’un poste), qu’il s’agisse de leur survenue effective ou de la crainte qui leur est attachée.
Or, il est de la responsabilité de tout employeur de protéger la santé physique et mentale des travailleurs, donc de prévenir les violences externes et de prendre en charge leurs employés quand ils en sont victimes. Dès 1999, un rapport du Conseil Economique et Social préconisait de traiter l’agression comme un accident du travail et « d’adapter les principes généraux de prévention des risques professionnels aux spécificités d’un phénomène dont les responsables sont extérieurs à l’entreprise ». Comme pour les autres risques professionnels, la non-atteinte de l’obligation de résultats en matière de santé physique et mentale (en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle) peut être jugée comme une faute inexcusable de l’employeur.
Le problème de l’agression et de la violence dans les rapports humains est un problème complexe, qui peut apparaître à la fois comme « sociétal », biologique (lié aux instincts) et relatif à l’« harmonie » entre les personnalités impliquées. Il n’existe donc pas de « solution-type » : les caractéristiques particulières du client (personnalité, situation de vie), de l’usager ou de l’administré, de l’environnement de travail ainsi que les compétences relationnelles (communicationnelles) du professionnel doivent être prises en considération.
Bien qu’il n’existe pas de formule qui permettrait systématiquement d’éviter la violence, la prévention de ce type de risques peut être organisée en trois phases.
La prévention primaire, en agissant sur l’environnement et l’organisation du travail
Les conditions qui accentuent l’exposition des professionnels aux risques de violences et agressions sont :
- les horaires de nuit ou atypiques ;
- le travail du samedi ;
- le travail posté ;
- le fait d’être un travailleur isolé ou seul ;
- les rythmes de travail soutenus et/ou imposés par un contrôle ou une demande immédiate (alors que pour éviter la violence il faut souvent prendre le temps de la relation) ;
- le travail régulièrement interrompu ;
- l’absence de soutien collectif et managérial ;
- etc.
La prévention secondaire, en établissant des mesures d’intervention en cas de situation de violence et en formant les salariés à la gestion des situations conflictuelles
En 2010, la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval (Québec) proposait plusieurs conseils à appliquer en cas de confrontation avec une personne susceptible de se montrer agressive : Identifier contre qui ou quoi la colère ou l’hostilité de l’interlocuteur est-elle dirigée : le personnel, l’entreprise, ou lui-même ? ; faire appel à quelqu’un de plus expérimenté (si l’on ne se sent pas capable de gérer la situation) ; ne pas hésiter à quitter les lieux et à demander de l’aide ; ne jamais sous-estimer un interlocuteur ; rester toujours calme et poli, mais ferme ; être à l’écoute de l’interlocuteur, parler du problème de façon raisonnable et ne pas hésiter à dire « vous avez peut-être raison… » ; utiliser des mots simples, et répéter les explications si nécessaire ; inviter à poser des questions ; utiliser la reformulation pour montrer que l’on comprend (ou pas) ; faire connaître ses limites d’intervention ; rester intègre et ne jamais mentir ; ne pas donner d’ordres, ni de conseils ; éviter toute attitude agressive (bras croisés, mains sur les hanches, doigt pointé, bras levé) ou postures de face ou de dos, qui pourraient l’une être considérée comme la recherche d’un affrontement, et l’autre comme une preuve d’indifférence ; ne jamais porter la main sur quelqu’un qui est en colère ; garder ses distances.
La prévention tertiaire, en recensant et en étudiant les situations problématiques (formes de violences, ampleur, circonstances dans lesquelles elles se manifestent ou facteurs d’agression)
Le but est de mener des actions préventives, et de prendre en charge les victimes (en proposant une écoute et un accompagnement sur les plans médico-psychologique, médico-social, juridique, social et professionnel) y compris pour les phénomènes les moins graves comme les incivilités.
Si les actions de prévention primaire relèvent d’une véritable prévention (éviter que les professionnels ne soient confrontés aux agressions externes) et que la prévention tertiaire renvoie au soin (pallier les conséquences négatives des violences), la prévention secondaire concerne à la fois la prévention (faire en sorte que les professionnels ne soient pas eux-mêmes générateurs de violences) et l’action en situation dégradée (gestion des relations conflictuelles). Ces trois niveaux de prévention peuvent ainsi être conçus de manière circulaire : la prise en charge de l’agressé et l’analyse des situations ayant mené à l’agression réduisant la probabilité de récidive, elles peuvent être considérées comme des éléments de la prévention primaire.
Editions TISSOT
Laurent MUNILLA
Consultant-Formateur