L’analphabétisme est l’incapacité ou la difficulté à lire, écrire et compter, le plus souvent par manque d’apprentissage.
Il se distingue de l’illettrisme1, terme utilisé en France quand la personne a été scolarisée en français mais que cet apprentissage n’a pas conduit à la maîtrise de la lecture et de l’écriture ou que cette maîtrise a été perdue.
En France
Jusqu’au début des années 1980, l’analphabétisme est considéré en France comme un problème réglé, qui ne concerne plus que la population immigrée, notamment d’Afrique. Soit il s’agit de personnes jamais scolarisées, presque toujours d’origine immigrées, et il est prévu des cycles de formation d’« alphabétisation » (ces personnes sont les seules, en France, à pouvoir être qualifiées d’« analphabètes »). Soit il s’agit d’un problème d’insuffisance en français seconde langue, et les formations proposées s’appellent « français langue étrangère » (FLE).
En 1981, le rapport Oheix sur la pauvreté souligne le fait que beaucoup de Français ont des compétences limitées en lecture et en écriture.
L’association ATD Quart-monde avait créé le terme « illettrisme », pour alerter l’opinion sur la nécessité de satisfaire le besoin de culture des Français pauvres dont les compétences en lecture et en écriture étaient limitées, le terme « analphabète » étant jugé péjoratif. Ainsi, le mot « illettrisme » fut utilisé pour décrire une personne ayant suivi le cycle de l’école primaire française sans pour autant y avoir acquis les compétences requises5.
L’illettrisme, ce n’est pas l’analphabétisme
Une personne illettrée a déjà reçu un apprentissage de la lecture mais n’en a pas acquis une maîtrise suffisante pour être autonome, selon les définitions de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI).
Pour imaginer le niveau de compétence requis pour ne pas être considéré comme illettré, on peut consulter la méthodologie mentionnée à la fin de ce document résumant le test lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC), à laquelle ont participé 750 000 jeunes en 2013.
En revanche, une personne analphabète n’a, elle, jamais été scolarisée. La définition retenue de l’alphabétisme par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est : « Le pourcentage des personnes âgées de 15 ans ou plus qui peuvent, en comprenant, lire et écrire un texte court en rapport avec leur vie de tous les jours. »
Combien de Français concernés par l’illettrisme ?
2,5 MILLIONS C’est, selon l’Insee, le nombre de 18-65 ans illettrés en 2011 en métropole, soit 7 % de la population. Cette proportion était de 9 % en 2004 (3,1 millions de personnes illettrées).
A titre de comparaison, seulement 1 % à 2 % des Français sont concernés par l’analphabétisme, selon l’Insee. Le taux d’alphabétisme en France est en effet évalué à 99 %.
Les personnes actives sont massivement représentées parmi les illettrés (51 %), tandis que seulement 10 % sont au chômage.
C’est dans l’agriculture, la pêche et l’agroalimentaire que se concentre le plus fort taux d’illettrisme (près de 10 %), secteurs suivis par l’industrie, le BTP et les services aux personnes (entre 7 et 8 %).
Concernant les catégories d’employés, les ouvriers ne sont pas les seuls concernés : le phénomène est difficile à quantifier, mais des chercheurs se penchent depuis plusieurs années sur la question et une association interentreprises qui lutte contre l’illettrisme au sein de grands groupes, B’A’BA, a été créée.
De fortes disparités géographiques
Toutes les régions ne sont pas atteintes dans les mêmes proportions par l’illettrisme. Alors que l’Ile-de-France compte environ 5 % d’illettrés, la Picardieet le Nord-Pas-de-Calais en comptent au moins 11 %. La carte ci-dessous fait figurer ces disparités.
Dans le cas de la Corse, l’Insee ne dispose pas de statistiques sur l’ensemble de la population, mais sur les « jeunes » : 3,8 % d’entre eux sont en situation d’illettrisme.
La situation des départements et territoires d’outre-mer est largement plus problématique qu’en métropole. Les taux d’illettrisme sur la population entière y sont beaucoup plus élevés : 20 % en Guadeloupe et en Guyane, 23 % à La Réunion, 14 % en Martinique.
58% A Mayotte, en 2012, « 58 % des habitants en âge de travailler ne maîtrisent pas les compétences de base à l’écrit en langue française », selon l’Insee. La situation locale est cependant complexe, car le français n’est la langue maternelle que « d’un Mahorais sur dix » et seulement 48 % de la population a été scolarisée à Mayotte ou en France métropolitaine. Techniquement donc, un sixième de la population est en situation d’illettrisme, car un tiers des individus scolarisés sont illettrés. Mais Mayotte, reste, selon l’Insee, « le territoire le plus touché par l’illettrisme ».
Les femmes et les plus jeunes moins illettrés
Les femmes sont moins illettrées que les hommes, mais, avec l’âge, la différence entre les deux sexes augmente. Chez les plus vieux, elle atteint 5 points de pourcentage selon l’étude de l’ANLCI, datée de 2011
Emmanuel Macron avait choqué en évoquant ce sujet et en affirmant que beaucoup de femmes salariées dans l’entreprise Gad étaient « illettrées ». Pourtant ce phénomène est encore trop souvent tabou, même s’il a été grande cause nationale en 2013
En 1977 le père Joseph Wresinski, fondateur d’ ATD Quart Monde est l’inventeur du mot, que l’on retrouve dans le rapport moral , publié en 1978[]. Le mot est préféré à celui d’« analphabétisme », jugé péjoratif,
En 2003, l’Agence Nationale Contre l’Illettrisme (ANCI) reformule la définition : « L’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples. Pour certaines personnes, ces difficultés en lecture et écriture peuvent se combiner, à des degrés divers, avec une insuffisante maîtrise d’autres compétences de base comme la communication orale, le raisonnement logique, la compréhension et l’utilisation des nombres et des opérations, la prise de repères dans l’espace et dans le temps, etc. » Malgré ces déficits, les personnes en situation d’illettrisme ont acquis de l’expérience, une culture et un capital de compétences… D’autres se trouvent dans des situations d’exclusion où l’illettrisme se conjugue avec d’autres facteurs. »
Pour l’ANCI, 7% des Français de 15 à 65 ans concernés, soit 2,5 millions de personnes dont 1,5 a un emploi; 10% dans l’agroalimentaire, 8% dans l’agriculture et l’industrie, 5% dans le commerce; 9% des hommes, 6% des femmes et 10% des chômeurs; 53% ont plus de 45 ans et 4% entre 18-25 ans; 90% ne vivent pas dans les quartiers ciblés par la politique de la ville mais en zone rurale…
Thierry Lepaon, l’ex-secrétaire général de la CGT , qui avait été nommé à l’automne 2016 par Manuel Valls délégué interministériel à la langue française pour la cohésion sociale, est à l’origine de ce sondage réalisé par CSA Research pour tenter de mesurer «la perception de l’illettrisme dans le monde du travail».
Ses résultats, à partir d’un échantillon de 600 entreprises privées et administrations publiques représentatives des secteurs identifiés : agriculture, industrie, BTP/construction, Hôtellerie et restauration, Entretien et nettoyage, Services à la personne, fonctions publique territoriale et hospitalière, soit au total la moitié des personnes actives, sont éclairants :
–51% des organisations interrogées ont déjà été confrontées à des salariés ou des agents qui avaient des difficultés à lire et écrire. Soit la moitié des entreprises et administrations publiques en France! Le taux grimpe même à 68% dans les organisations de 50 employés ou plus, et 67% dans le secteur de l’entretien et nettoyage.
–57% des répondants jugent que ces difficultés à lire et écrire constituent un risque professionnel pour la santé physique des salariés (68% dans le BTP) et 69% pour leur santé psychologique (82% dans les administrations publiques).
–27% des organisations sondées jugent que l’absence de compréhension des consignes écrites (23% pour les consignes orales) en français pose régulièrement un problème pour le bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’administration.
–25% des entreprises et administrations publiques jugent que l’utilisation des outils numériques (navigation sur internet, usage de logiciels de base comme le traitement de texte…), de plus en plus régulière et fréquente, y compris pour des métiers peu ou pas qualifiés, pose aussi un problème pour leurs salariés et agents illettrés. Ce taux grimpe même à 48% pour les administrations publiques et 38% dans les seuls Services à la personne.
–Seules 14% des organisations répondantes ont toutefois mis en place des actions de repérage pour détecter les personnes ayant des difficultés à lire et écrire. Sans surprise, le secteur de l’Entretien et du nettoyage est à la pointe de la prévention (45%) et les entreprises de plus de 50 personnes (27%). Pour que les organisations se mobilisent, il faut que les situations se multiplient: 39% des entreprises et administrations publiques concernées à plusieurs reprises ont déployé un processus de repérage en interne.
–Et lorsque des actions de repérage sont lancées, elles le sont dans 83% des cas décidées par la direction de l’entreprise ou de l’administration, la DRH (60%) ou les managers (58%).
–Face à l’ampleur du phénomène, pas moins de 91% des entreprises et administrations considèrent que la lutte contre l’illettrisme est un enjeu important (39% qu’elle doit constituer une priorité à l’avenir et 52% que le sujet est important sans pour autant être une priorité).
–Pourtant, leurs décideurs ne sont que 38% à avoir été sensibilisés à la question de l’illettrisme, avec un gros déficit d’information pour les secteurs de l’agriculture et de l’hôtellerie/restauration (31% et 34%), comme pour les entreprises de moins de 10 salariés (29%). À l’inverse, les plus sensibilisés ont été les dirigeants des entreprises de plus de 50 personnes (58%) et du secteur de l’entretien/nettoyage (53%).
–Seuls 26% des décideurs de ces organisations sont toutefois capables de mesurer à peu près correctement l’ampleur de l’illettrisme dans le monde du travail, en estimant que le phénomène touche plus d’un million de personnes en France. 29% jugent qu’il concerne «quelques milliers» de salariés et agents, et 4% que «c’est marginal».
–Enfin pour 44% des répondants, ce sont les services de ressources humaines, devant les directions d’entreprise ou d’administration (32%) et la médecine du travail (27%), qui devraient intervenir prioritairement pour s’occuper des personnes ayant des difficultés à lire ou à écrire dans leur organisation.