Face au silence de son employeur, le salarié peut considérer sa demande de congés comme acceptée. Le salarié, qui a formulé une demande de congés et s’est absenté aux dates prévues sans avoir obtenu de réponse de son employeur, ne commet donc pas de faute et l’avertissement prononcé à cette occasion doit être annulé (Cass. soc., 6 avril 2022, n° 20-22.055).
Alors que la période des départs en congés approche, et à l’heure où les dispositions légales en matière de congés payés semblent quelque peu désuètes au regard des pratiques actuelles, cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’un certain nombre d’obligations incombent à l’employeur.
Le silence vaut acceptation : une solution étonnante de prime abord
Dans l’arrêt du 6 avril 2022, les faits retenus sont les suivants : un salarié avait demandé par oral l’autorisation de s’absenter le 27 juin 2016, demande à laquelle l’employeur n’avait pas répondu.
Il résulte des débats que l’employeur soutenait n’avoir reçu aucune demande, mais la cour d’appel a considéré que la preuve en était rapportée par l’attestation d’une salariée. Cette attestation faisait également état d’un refus oral par l’employeur, mais elle a été jugée insuffisamment probante sur ce point à défaut de préciser les circonstances, et notamment la date, de ce refus.
Le salarié avait considéré que le silence de son employeur valait acceptation et s’était donc absenté.
Par courrier en date du 4 juillet 2022, la Société lui avait alors notifié un avertissement pour absence injustifiée.
Cette sanction a été annulée par les juges du fond. Et la Cour de cassation, rejetant le pourvoi formé par la Société, a jugé que «la cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait demandé l’autorisation de s’absenter le 27 juin 2016 et qu’il n’était pas établi que l’employeur avait expressément formulé un refus, en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée, a pu décider que le salarié n’avait pas commis de faute».
Au-delà de l’appréciation de la matérialité des faits de l’espèce, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond, une telle solution peut paraître surprenante quand on sait que, sauf dispositions conventionnelles contraires, la loi réserve à l’employeur la fixation de l’ordre des départs en congés.
L’employeur a l’obligation de fixer mais aussi de communiquer l’ordre des départs en congés
A défaut d’accord collectif en ce sens, il revient à l’employeur d’organiser les congés de ses salariés. Il doit ainsi fixer l’ordre des départs en congés en tenant compte de certains critères liés à la situation personnelle du salarié (la loi en cite trois : situation de famille, ancienneté, employeurs multiples) et après avis, le cas échéant, du CSE. Cette règle précisée à l’article L. 3141-16 du Code du travail interdit donc aux salariés de fixer eux-mêmes leurs congés.
Le refus du salarié de respecter les dates de congés déterminées par l’employeur est logiquement fautif et l’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, éventuellement pour faute grave (pour un exemple v. Cass. soc., 23 mars 2004, n° 01-45.225).
A l’aune de cette jurisprudence, il aurait pu sembler logique que le départ en congés du salarié sans accord de son employeur, même s’il a présenté une demande en ce sens, soit jugé fautif.
D’ailleurs, pour contester l’annulation de l’avertissement prononcée par la cour d’appel de Colmar, l’employeur invoquait devant la Cour de cassation la règle selon laquelle «sauf stipulation particulière, disposition conventionnelle ou usage contraire, le salarié ne peut fixer lui-même les dates de ses congés payés».
Toutefois, l’obligation de fixer l’ordre des départs en congés a un corollaire, assez évident au demeurant : celui d’en informer les salariés. L’ordre des départs en congé doit être communiqué à chaque salarié un mois avant son départ (C. trav. art. D. 3141-6). Cette communication peut désormais être réalisée par tout moyen.
Incidence de l’absence de réponse de l’employeur à la demande de congés sur la mise en œuvre de son pouvoir disciplinaire
Outre le risque de condamnation à l’amende contraventionnelle pour non-respect de la législation sur les congés payés (C. trav., art. R. 3143-1) et à la réparation du préjudice du salarié n’ayant pas été mis en mesure de prendre ses congés, le défaut d’information par l’employeur est pris en compte par les juridictions dans l’appréciation de la gravité de faute du salarié parti en congés sans autorisation.
A cet égard, l’arrêt du 6 avril 2022 s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence ancienne, qui permet d’éclairer les ressorts de cette dernière décision.
Ainsi, le licenciement d’un salarié, parti en congés sans autorisation, a été jugé sans cause réelle et sérieuse dès lors que les juges du fond avaient relevé que l’employeur «ne justifiait pas de l’établissement et de la notification d’un planning de congés au personnel [et] était au courant du départ en congé de son gérant» (Cass. soc., 16 oct. 1984, n° 82-41.849).
La Cour de cassation a également considéré que la faute grave ne pouvait être retenue s’agissant de l’absence non déclarée d’un salarié «compte tenu de la propre défaillance de l’employeur dans l’organisation des congés payés» au visa de l’ancien article du Code du travail rappelant l’obligation d’information à la charge de l’employeur. L’absence non déclarée et non autorisée du salarié a toutefois été jugée constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement (v. Cass. soc., 11 juillet 2007 n° 06-41.706).
La position de la Cour de cassation conduit donc à retenir qu’en matière de demande de congés, le silence de l’employeur vaut acceptation.
La prudence recommande de notifier par écrit le refus de la demande de congés
Reste que, si le salarié est autorisé à considérer que l’employeur a tacitement accepté sa demande de congés, c’est sous réserve de sa propre bonne foi.
En effet, dans l’arrêt du 6 avril 2022, après avoir relevé qu’«il n’était pas établi que l’employeur avait expressément formulé un refus », la haute juridiction ajoute « en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée».
Ce faisant, l’arrêt fait écho à une décision antérieure où la Cour de cassation avait approuvé les juges du fond d’avoir jugé «qu’en l’absence de réponse de ce dernier avant cette date, il avait pu penser, de bonne foi, que sa demande était acceptée» (Cass. soc., 14 nov. 2001, n° 99-43.454).