Publié le : 7 janvier 2021
Monseigneur Jacques Suaudeau, théologien et chercheur, explique la position de l’Eglise catholique sur les vaccins utilisant des cellules de fœtus avortés, sujet d’actualité dans la lutte contre le Covid. Le 21 décembre, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une note sur cette question (cf. Vaccin et avortement : la Vatican donne des clés de discernement) qui reprenait, de façon simplifiée, des éléments d’une autre note publiée en 2005 par l’Académie pontificale pour la vie à propos du vaccin contre la rubéole préparé avec des cellules humaines provenant d’un avortement.
« Oui, il y a des vaccins acceptables et d’autres qui sont à éviter si les circonstances le permettent, comme le vaccin AstraZeneca »,
explique Monseigneur Suaudeau. En effet, le vecteur adénoviral employé pour produire ce vaccin est « obtenu et propagé dans des cellules particulières, les T-RexHEK293 », qui viennent elles-mêmes de la lignée HEK293, « générée en 1973 à partir de cellules de rein humain fœtal, extraites des restes d’un fœtus avorté volontairement, en Hollande ». « Même si ce mal a été perpétré il y a quarante ans », la question est celle de la coopération au mal de l’avortement par l’usage de tels vaccins.
L’Église distingue différents degrés de coopération au mal : active[1] ou passive[2] ; formelle[3] ou matérielle[4]. La coopération matérielle peut elle-même être divisée en coopération immédiate[5] ou médiate[6]. Et la coopération matérielle médiate peut encore être divisée en coopération « à proximité » ou « à distance », selon la chronologie et l’espace qui sépare l’acte de coopération de l’acte mauvais. La coopération matérielle médiate, qui apparait comme plus lointaine, doit cependant « toujours être considérée comme illicite » lorsqu’elle concerne une matière grave comme une atteinte à la vie humaine. La gravité diminue toutefois avec l’accroissement de la distance. Dans le cas des lignées de cellules de fœtus avortés, la distance de quarante ans implique une « imputabilité négligeable », mais « le fait de la coopération demeure car l’avortement ne peut être effacé de l’histoire et de la mémoire ».
Selon cet enseignement, « les personnes qui, connaissant l’origine des cellules humaines utilisées pour la préparation du vaccin, ne protestent pas contre l’usage de ces vaccins et ne font rien contre leur utilisation sont coupables de coopération passive, et donc imputable ». Les autorités nationales et internationales, ont un niveau de responsabilité élevé dès lors qu’elles sont au courant du problème éthique mais « n’en tiennent pas compte, et autorisent ou même imposent l’emploi dudit vaccin ». Au niveau moral, « la préparation, la distribution et la commercialisation de [tels] vaccins (…) » sont condamnables, avec des degrés variés selon la position de l’agent coopérant dans la chaîne. Ainsi, les médecins et les utilisateurs du vaccin « réalisent une forme de coopération très éloignée, sans conséquence sur le plan de la responsabilité et de l’imputabilité », à moins qu’ils n’approuvent l’acte d’avortement volontaire qui a permis le développement du vaccin. Il faut donc « s’abstenir d’utiliser les vaccins posant des problèmes éthiques si cela peut se faire sans mettre en danger la santé des personnes. Dans le cas contraire, il convient d’avoir recours à un vaccin alternatif ».
Si le vaccin protège d’une maladie grave voire mortelle et qu’aucun vaccin alternatif n’est disponible, « le vaccin qui pose des problèmes éthiques sera utilisé, mais il doit être clairement dit que cette acceptation ne signifie pas approbation, mais choix d’un moindre mal, en vue du bien commun ». Mais pour Monseigneur Suaudeau, « on ne voit pas où et quand une telle situation de pénurie de vaccins pourrait se produire. Il y a actuellement 48 vaccins contre le SARS-Cov-2, qui ne posent pas de problème éthique, et qui sont arrivés aujourd’hui au stade de l’utilisation clinique. Parmi ces 48, les vaccins à ARN messager Pfizer/BioNTech et Moderna, se distinguent par leur grande efficacité (95%) et leur sûreté. On peut donc sans problèmes se passer du vaccin AstraZeneca (dont l’efficacité est d’ailleurs relativement basse : 70%) ». Il rappelle aussi que « se taire sur le caractère non éthique du vaccin AstraZeneca reviendrait à coopérer au mal de l’avortement et à encourager d’autres compagnies à avoir elles aussi recours à des lignées cellulaires venant de fœtus humains volontairement avortés ».
NDLR: L’Institut européen de bioéthique a mis en ligne une liste des vaccins anti-Covid disponibles faisant apparaître l’utilisation de lignées de cellules fœtales aux différentes étapes de production : Vaccins contre le Coronavirus et utilisation de cellules de fœtus avortés : état des lieux
[1] « Accomplissement d’un acte de coopération à une action mauvaise qui est exécutée par une autre personne ».
[2] « Omission d’un acte de dénonciation ou d’entrave à une action mauvaise ».
[3] « L’agent moral coopère à l’action immorale d’une autre personne, en partageant l’intention mauvaise de cette dernière » ; par exemple, la coopération en partageant l’intention à la réalisation d’un avortement volontaire dans le but de produire des vaccins.
[4] « L’agent moral concourt matériellement à la réalisation de l’acte mauvais, sans partager l’intention mauvaise de l’acte ».
[5] « Le sujet coopère directement à l’acte mauvais ».
[6] « Le sujet ne participe pas à l’acte immoral mais son action en facilite indirectement l’exécution ».
Source : Aleteia, Mgr Suaudeau (25/12/2020)