Quand le naturel revient au galop…

Quand le naturel revient au galop, edito de Cyril Chabanier

L’invitation Ă  « travailler plus », lancĂ©e le week-end dernier par une organisation patronale, a fait couler beaucoup d’encre. Le climat s’est ensuite apaisĂ© quand cette mĂȘme organisation a prĂ©cisĂ© que la question de l’augmentation du temps de travail relevait du seul dialogue social. Si l’enjeu consiste Ă  explorer, par la nĂ©gociation, les moyens de compenser tout ou partie des retards de croissance occasionnĂ©s par la crise sanitaire, alors nos dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux, entreprise par entreprise, savent ce qu’ils ont Ă  faire. Ils savent notamment apprĂ©cier s’il en va de la prĂ©servation de l’emploi, la premiĂšre de leurs prĂ©occupations aujourd’hui. En bons nĂ©gociateurs, je ne doute pas qu’ils obtiennent les contreparties qui justifient qu’on signe un accord. Dans le cas contraire, ils ne signeront pas voilĂ  tout !

Dans ces conditions, « oĂč est le problĂšme » me direz-vous ? je rĂ©pondrai alors qu’il n’est peut-ĂȘtre pas lĂ  oĂč on avait cru le voir. Les ordonnances et dĂ©crets instaurant des rĂšgles provisoires pour ajuster les temps de travail ou encore la prise des congĂ©s ont plu, ces derniĂšres semaines, comme « vache qui
 broute ». Les partenaires sociaux ont tous les outils en main pour agir dans l’urgence et contribuer Ă  sauver ce qui doit l’ĂȘtre : l’emploi et la sĂ©curitĂ© des travailleurs ! Cette invitation Ă  « travailler plus » ne cacherait-elle pas dĂšs lors un horizon plus lointain ? Je ne veux ici faire aucun procĂšs d’intention mais, volontairement ou non, elle nous ramĂšne aux vieilles grilles de lecture d’un patronat pour qui « croissance » et « richesse » sont insĂ©parables d’un « produire toujours plus », Ă  des coĂ»ts toujours plus bas.

Si tel est le « nouvel » horizon, alors nous passerons Ă  cĂŽtĂ© des principaux enseignements de la crise. Ce faisant, nous raterons l’opportunitĂ© de penser diffĂ©remment nos façons de produire, de consommer. L’opportunitĂ© Ă©galement de questionner la « valeur travail », ce thĂšme si cher Ă  la CFTC. Nombreux sont aujourd’hui les commentateurs nous jurant « leurs grands dieux » que rien ne sera jamais plus comme avant. J’aimerais leur rappeler qu’en 2008, Ă  l’occasion d’une autre crise, « financiĂšre » celle-lĂ , nous nous faisions les mĂȘmes promesses. C’en Ă©tait fini des produits toxiques de la spĂ©culation s’en prenant Ă  l’économie rĂ©elle et Ă  nos emplois ! promis jurĂ© ! Quel est 12 ans plus tard le texte français, europĂ©en voire mondial Ă  mĂȘme de nous protĂ©ger des bulles spĂ©culatives qui continuent de gonfler Ă  l’abri du COVID ?

Ce rappel aux vieilles « recettes », revient Ă  faire payer l’addition de la crise Ă  nos concitoyens. Il nous dispense aussi de rĂ©flĂ©chir au « monde d’aprĂšs », et nous renvoie Ă  des rĂ©formes dont les finalitĂ©s comme les modalitĂ©s ne pourraient ĂȘtre dĂ©finies que par quelques-uns sur un coin de table. La CFTC n’acceptera aucune de ces options ! A Vichy en 2015 puis Ă  Marseille, il y a 5 mois, elle a esquissĂ© un nouveau contrat social qui questionne et, parfois, reconfigure les principaux dĂ©terminants de notre « vivre ensemble ». Enrichir nos indicateurs Ă©conomiques qui calculent plus qu’ils ne fondent la croissance, de critĂšres qualitatifs de responsabilitĂ© sociale, Ă©conomique et environnementale ; reconsidĂ©rer et mieux rĂ©munĂ©rer, sur cette base, les mĂ©tiers et plus largement les activitĂ©s socialement utiles ; repenser nos politiques publiques afin qu’elles impulsent et contribuent au financement de ces mutations. Afin Ă©galement de garantir, Ă  l’échelle europĂ©enne, notre indĂ©pendance Ă©nergĂ©tique, technologique, alimentaire et sanitaire


Nous y sommes ! Avec nos valeurs et nos partenaires, dans nos territoires, dans nos branches, dans les instances nationales et europĂ©ennes, la CFTC prendra une part active Ă  l’invention du « monde d’aprĂšs ». Elle ne laissera pas le naturel revenir au galop !

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