Percevoir les aides de l’Etat, ou distribuer des dividendes aux actionnaires ? Les entreprises devront choisir. Face au COVID-19, crise majeure sur le plan sanitaire mais aussi économique, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs pour soutenir les entreprises en difficultés … Mais en échange, elles n’auront pas le droit de verser des dividendes.
Par Fanny Conquy
L’idée faisait son chemin depuis plusieurs jours en France mais aussi à l’étranger. Une tribune signée jeudi par dix-huit organisations syndicales, associatives et environnementales, réclamait d’ailleurs sa mise en place par le gouvernement français. Vendredi, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire l’a annoncé : pendant la crise, les entreprises qui bénéficient des aides de l’Etat, que cela soit par report de charges sociales ou fiscales, ou bien par un prêt garanti par l’Etat, ont interdiction de verser des dividendes.
Interrogé sur BFM TV, le ministre de l’Economie a précisé : « Toutes les entreprises qui auraient bénéficié de reports de charges sociales ou fiscales et qui auraient versé des dividendes se verront obligées de rembourser cette avance de trésorerie sur les charges sociales et fiscales avec une pénalité d’intérêt ».
Dans le même sens, pour les entreprises dont il est actionnaire, l’Etat se prononcera également contre le paiement de dividendes cette année. « C’est la solidarité », a déclaré la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Par ailleurs, en ce qui concerne les entreprises qui ont recours au chômage partiel, le gouvernement demande « la plus grande modération » quant au versement des dividendes. « Soyez exemplaires. Si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes » demande Bruno Le Maire. Selon les derniers chiffres du ministère du Travail : le recours au dispositif du chômage partiel a été demandé par 220 000 entreprises pour 2,2 millions de salariés au total.
Réactions des syndicats
Des annonces entendues par l’association française des entreprises privées, l’AFEP, qui représente les 110 plus grands groupes français. Dans un communiqué publié hier, l’association demande à ses membres d’appliquer cette interdiction de verser des dividendes en 2020, pour les entreprises ayant eu recours aux aides publiques. Sur la question du chômage partiel, le conseil d’administration de l’AFEP demande à ses adhérents qui utilisent ce dispositif « de présenter à leur prochaine assemblée générale une nouvelle résolution afin de réduire les dividendes à payer en 2020 de 20% par rapport à l’année dernière ». Enfin, l’AFEP recommande de réduire de 25 % la rémunération globale des dirigeants « pour la durée où des salariés de leur entreprise seront en chômage partiel ».
Du côté du MEDEF, le président de l’organisation patronale Geoffroy Roux de Bézieux déclarait vendredi à l’AFP: « notre position c’est qu’une entreprise qui demande un report (de charges), c’est qu’elle a un sérieux problème immédiat de trésorerie, donc il est logique de ne pas verser de dividendes ».
Pour la CGT, cosignataire d’une tribune jeudi dernier, qui réclamait « de profonds changements de politiques », et notamment que le « versement des dividendes et le rachat d’actions soient immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme » : cette annonce du gouvernement est un premier pas satisfaisant. Pour Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT, « cela prouve que cette large tribune, signée avec dix-sept autres organisations, a pu peser. » En cette période de crise, « il serait indécent que les grosses entreprises continuent à verser des dividendes. Elles doivent participer à l’effort collectif. » Selon Catherine Perret, sur le chômage partiel, il faudrait aussi une interdiction, « car les seules incitations ne sont pas toujours efficaces. Il faut des obligations et des sanctions pour que les entreprises appliquent ces mesures. »
Des mesures au niveau européen
La Banque centrale européenne a demandé vendredi aux banques de la zone euro de ne pas verser de dividendes au moins jusqu’au « 1er octobre 2020 ». Selon un communiqué de la BCE : « les banques doivent également s’abstenir de procéder à des rachats d’actions destinés à rémunérer les actionnaires ». Objectif : que les actionnaires des banques « rejoignent cet effort collectif». Les sommes dégagées pourront permettre de «soutenir les ménages, les petites entreprises et les entreprises emprunteuses». Plusieurs banques avaient d’ores et dejà annoncé le report des versements de dividendes, comme le groupe espagnol Santander.