Durcissement des conditions d’entrée, nouveau calcul de l’allocation… ce 18 juin, le gouvernement a présenté les futures règles d’indemnisation chômage.
Annoncée depuis de longues semaines, la réforme du système d’assurance chômage est enfin sur les rails. Présenté ce mardi 18 juin par le premier ministre, Édouard Philippe et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, le projet du gouvernement prévoit un sérieux tour de vis sur les règles d’indemnisation. Objectif ? 3,4 milliards d’euros d’économie en trois ans pour préserver la santé financière du régime, endetté à hauteur de 35 milliards d’euros. Et lutter contre la précarité du marché du travail, en décourageant les contrats courts et les allers-retours entre travail et chômage.
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À la lumière des différentes annonces, ce sont les travailleurs précaires qui vont le plus souffrir des nouvelles règles. Et, plus marginalement, les hauts revenus. Les employeurs, eux, s’en tirent bien : le bonus-malus sur les cotisations chômage ne s’appliquera qu’à sept secteurs d’activité, parmi lesquels l’hôtellerie-restauration et la logistique. Le texte ne produira des effets que dans la durée : les quelque 3,5 millions d’allocataires déjà couverts par Pôle emploi continueront à bénéficier des anciennes règles. Les nouvelles, elles, ne s’appliqueront qu’aux nouveaux demandeurs d’emploi, par étapes, à partir du 1er novembre 2019.
1. Un jour cotisé, un jour indemnisé
Si le gouvernement rebat les cartes, il ne change pas pour autant le régime de fond en comble. Dans le futur système d’indemnisation, deux grands principes demeurent. Le premier : le maintien du « un jour cotisé, un jour indemnisé » cher aux organisations syndicales. Si vous avez travaillé pendant les 18 mois précédant votre inscription au chômage, vous aurez donc toujours droit à 18 mois d’allocation. Second principe préservé, la durée d’indemnisation. Le plafond reste fixé à 24 mois pour les salariés lambda, à 36 mois pour les seniors de plus de 57 ans.
2. Des règles d’éligibilité durcies
Il fallait jusqu’à maintenant avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 28 derniers mois pour bénéficier d’un droit à allocation-chômage. C’est bientôt fini ! A compter du 1er novembre, pour prétendre à l’indemnisation, il faudra avoir travaillé au moins 6 mois au cours des 24 derniers mois.
Selon les syndicats, ce durcissement des règles va exclure du régime les salariés les plus précaires, qui, alternant de courtes périodes de travail et de longues périodes de recherche d’emploi, parvenaient jusqu’alors à obtenir un petit filet de sécurité.
La mesure est, de très loin, celle qui fera économiser le plus d’argent au régime. Le ministère du Travail en attend… 2,8 milliards d’économie, en incluant la modification des droits rechargeables (voir ci-dessous).
3. Des droits rechargeables restreints
Depuis 2014, les allocataires qui, de façon temporaire, reprennent une activité professionnelle bénéficient d’un mécanisme dit de « droits rechargeables« . En retravaillant, ils s’ouvrent de nouveaux droits à l’assurance chômage, dont ils pourront bénéficier une fois qu’ils auront épuisé leurs droits initiaux. Le dispositif a le mérite d’inciter les allocataires à reprendre un travail, même provisoirement. Revers de la médaille, il favorise le développement d’une forme de « permittence », avec des allocataires qui ne sortent plus jamais du régime d’assurance chômage.
Le futur décret ne remet pas en cause le principe de ce rechargement, mais il en durcit considérablement l’accès. Jusqu’alors, il fallait retravailler 150 heures (soit un mois) pour s’ouvrir de nouveaux droits. À partir du 1er novembre, il faudra cotiser pendant 6 mois minimum pour y prétendre.
4. Un salaire de référence lissé
Pour calculer le montant de l’allocation à verser, Pôle emploi ne prenait en compte jusqu’à maintenant que les salaires perçus les jours effectivement travaillés. Puis appliquait un taux de remplacement à ce « salaire journalier de référence (allant de 57% à 75% selon les revenus) pour déterminer l’indemnisation journalière due. Une « aberration », selon le Premier ministre, puisque ce mode de calcul permettait à 20% des allocataires de toucher davantage au chômage qu’en travaillant. Terminé.
A partir du 1er avril 2020, le salaire de référence sera calculé sur une base mensuelle. Résultat, un individu gagnant 100 euros un jour sur deux sera désormais indemnisé autant qu’un autre à mi-temps rémunéré 50 euros par jour. Ce lissage des revenus pris en compte devrait rapporter 700 millions d’euros. Il ne changera rien pour les chômeurs quittant un CDI. Mais il aura un impact fort pour les salariés alternant périodes travaillées et inactivité.
5. Des allocations dégressives pour les plus riches
Dans les tuyaux depuis des semaines, la mesure a déjà beaucoup fait parler. Selon les chiffres fournis par Pôle emploi à la rue de Grenelle, il existerait une forte corrélation entre montant de l’allocation et durée du chômage. En d’autres termes, ceux qui sont bien couverts prendraient leur temps pour rechercher du travail… Pour inciter ces derniers à retourner dans l’emploi, le gouvernement tape au portefeuille, en instaurant une dégressivité de 30% sur leur indemnisation chômage à partir du 7e mois.
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La mesure, qui s’appliquera dès le 1er novembre, ne concerne que les allocataires âgés de moins de 57 ans, qui bénéficiaient d’un salaire supérieur à 4500 euros bruts par mois (treizième mois inclus). Avec un plancher d’indemnisation fixé à 2261 euros nets. Le ministère du Travail en attend 210 millions d’euros d’économie.
6. De nouveaux droits pour les démissionnaires
C’était un engagement d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle : offrir des droits à l’assurance chômage aux démissionnaires. Une promesse révolutionnaire puisque le régime, assurantiel, n’ouvrait jusqu’alors des droits qu’aux salariés involontairement privés d’emploi.
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Pour des raisons financières, l’engagement a été sérieusement revu à la baisse. A partir du 1er novembre 2019, les démissionnaires pourront certes prétendre à être indemnisés, mais sous condition. Il faudra avoir au moins cinq ans d’ancienneté dans son entreprise et pouvoir arguer d’un vrai projet professionnel – création d’entreprise, reconversion, formation… – à présenter devant une commission.