Au travail, le « sexe faible » se voit de plus en plus exposé aux risques… et donc de plus en plus accidenté! Si l’on ose aujourd’hui parler des écarts femmes-hommes en termes de revenus et de carrière, rien encore – ou si peu – sur les inégalités en matière de santé. En apparence, ça semble aller mieux en termes d’accidentologie. Entre 2001 et 2015, les accidents de travail ont diminué de plus de 15% et les femmes sont deux fois moins accidentées que les hommes
1 . Sauf que. À regarder les chiffres de plus près, on s’aperçoit que les courbes suivent une trajectoire inverse. Si l’accidentologie chez les hommes enregistre en effet une baisse de 28,6%; chez les femmes, le taux grimpe en flèche : + 28%. Du côté des maladies professionnelles, une progression est constatée pour les deux sexes, mais deux fois plus rapide pour les femmes – et même exponentielle : +155% sur cette période. L’Assurance maladie enfonce le clou en janvier dernier, avec son étude intitulée «Les affections psychiques liées au travail»
2 , dont les victimes sont majoritairement féminines (à 60 %). Que doit-on conclure de ces résultats? Plus personne aujourd’hui – il était temps – pour nous conter de vieilles histoires sur une supposée «fragilité» ou «sensibilité» féminine et autres stéréotypes de genre. Non, les femmes sont d’autant plus atteintes par ces pathologies qu’elles se trouvent davantage exposées aux risques psychosociaux de par leurs métiers, leurs statuts et leurs domaines d’activité respectifs
3 . Santé, social, éducation, administration, banque, assurance et commerce : voilà des secteurs fortement féminisés; ce sont aussi ceux qui concentrent le plus de facteurs de risques. Il arrive d’ailleurs que ces mêmes facteurs soient insuffisamment reconnus et évalués, notamment en termes de pénibilité. Les femmes sont souvent confrontées à des postures pénibles dans leurs postes, encore peu automatisés. Elles sont par conséquent les premières à souffrir de TMS (troubles musculo-squelettiques)
4 . Enfin, les salariées bénéficiant moins d’évolution professionnelle que leurs homologues masculins, elles occupent plus longtemps leurs postes, souffrant dès lors du phénomène d’«usure ». Remédier à cette inégalité nécessite un autre regard sur l’organisation et les conditions de travail, en préambule à la mise en place d’un plan de prévention. Le fait que des indicateurs en santé et sécurité au travail doivent, depuis 2014, figurer parmi les données sexuées d’égalité professionnelle de la BDES (la base de données économiques et sociales) devrait faciliter cette démarche. MV
- « Photographie statistique des accidents de travail, de trajet et des maladies professionnelles en France selon le sexe », Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), d’après les chiffres fournis par la Caisse nationale d’assurance maladie, mars 2017.
- À lire sur www.risquesprofessionnels.ameli.fr et lire page 4.
- Santé publique France, Le programme Samotrace, volet en entreprise, 2017 : http://invs.santepubliquefrance.fr.
- Lire à ce titre la revue Santé et travail n° 99, de juillet 2017, où l’intervention de l’Aract Normandie dans une imprimerie est relatée. Les tâches des ouvrières (aides de finition) étaient devenues plus pénibles que celles des ouvriers (conducteurs de machines).