Le ministère du travail lance une réflexion sur la future base d’accords collectifs

Dès septembre 2017, l’intégralité des accords collectifs seront en accès libre dans une base de données dédiée. C’est l’engagement pris par le ministère du travail dans la loi Travail. Pour ouvrir la réflexion, le ministère a organisé hier un Data camp réunissant une cinquantaine de participants qui ont réfléchi à la forme que pourrait prendre cette base de données.

Florence Mehrez

Ils étaient une cinquantaine hier, réunis au premier étage du ministère du travail, syndicalistes, RH, data scientists, étudiants, pour réfléchir à la future base de données qui accueillera dès septembre 2017, les accords collectifs en open data. C’est la loi El Khomri du 8 août 2016 qui l’a créée : elle regroupera l’ensemble des accords de branche, de groupe, inter-entreprises, d’entreprise ou bien encore d’établissement qui seront accessible à tous. Le gouvernement a toutefois pris soin de poser certains garde-fous comme la possibilité d’anonymiser en partie les accords.

Le ministère du travail a profité du Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) qui se déroule du 7 au 9 décembre à Paris pour regarder de plus près les potentialités offertes par une telle base de données. Les six équipes ont planché toute la journée à partir de la totalité des accords de branches et de 500 accords d’entreprise. En fin de journée, ils ont dévoilé leurs projets qui seront présentés ce matin au CESE par la ministre du travail.

De multiples enjeux pour la négociation collective

L’enjeu est de taille pour le gouvernement. Non seulement parce que cette base d’accords collectifs s’inscrit dans un mouvement plus vaste de données en accès libre (open data), mais aussi car se profilent en arrière-plan des problématiques centrales, alors que l’heure est à la prééminence de la négociation d’entreprise. « Les salariés connaissent mal la négociation collective et cela contribue à une méconnaissance du rôle des syndicats et de la démocratie sociale », déplore-t-on au ministère. Ministère qui compte également sur cette base pour « faciliter la tâche des négociateurs et permettre à la négociation de se développer dans les PME », ces dernières disposant alors de modèles d’accords en accès libre.

Des potentialités non négligeables

Les équipes n’ont pas chômé. En plus de proposer des modèles de base – slides à l’appui – elles ont permis d’identifier les apports que peut constituer l’open data en matière d’accords collectifs.

Premier avantage : une base d’accords globale facilite la recherche, qu’il s’agisse de trouver un accord par matière, par date, par localisation ou bien encore de les filtrer par taille d’entrepris ou par secteur d’activité.

Deuxième avantage : une base unique est un outil puissant de benchmarking et de diffusion des bonnes pratiques, permettant « d’avoir une vision plus fine de ce qui se fait en matière de dialogue social », comme l’a souligné une participante. Elle permet notamment de connaître les grandes tendances branche par branche.

Troisième avantage : elle permet de rendre plus aisé le travail d’identification de la norme applicable pour chaque situation précise.

Croiser plusieurs bases de données

Mais il serait possible d’aller encore plus loin en créant des passerelles entre plusieurs bases de données. C’est ce qu’ont proposé plusieurs groupes de travail. Ainsi pourquoi ne pas relier cette base à la déclaration sociale nominative (DSN). En les croisant, on pourrait ainsi enrichir chacune des bases de données et s’assurer de la fiabilité des informations recueillies. Chaque mois, l’employeur au moment de remplir sa DSN la complèterait – le cas échéant – par la déclaration des accords conclus et leur publication via un Cerfa qui serait pré-rempli grâce aux informations contenues dans la DSN.

La base d’accords pourrait également être recoupée avec celles de Légifrance, de la Dares ou bien encore du site Servicepublic.fr permettant ainsi de la compléter par d’autres informations juridiques et statistiques.

Un groupe de travail a émis l’idée d’accompagner la base d’un simulateur d’aide à la négociation. Des messages d’alerte signaleraient ainsi aux négociateurs qu’ils ne peuvent négocier telle ou telle disposition non conforme aux règles applicables.

Les inconnues à régler

Les équipes n’ont pas manqué de soulever les problèmes que peuvent rencontrer les constructeurs de la base de données.  

Ainsi, si la base présente un intérêt indéniable pour permettre de connaître la norme applicable, en cas par exemple de multiplicité d’accords applicables (d’entreprise, de groupe, de branche), comment la paramétrer informatiquement pour qu’elle identifie l’accord applicable alors que l’articulation des normes est si complexe !

Autre obstacle qui devra être levé : l’hétérogénéité des formats. Aujourd’hui, les accords collectifs sont déposés à la Direccte sous des formats hétéroclites dont certains ne sont pas exploitables comme les documents sous pdf. Il faudra donc que la base opère une uniformisation des supports. Par ailleurs, a souligné, un groupe de travail, ce sera l’occasion de passer au tout numérique et de refondre le formulaire d’accompagnement de dépôt des accords qui devra être – lui aussi – dématérialisé.

Les projets présentés hier ne manqueront pas de nourrir la réflexion du ministère. Et, open data oblige, l’ensemble de ces propositions seront bientôt en ligne sur le site du ministère du travail !

Florence Mehrez

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