Fini le temps où la majeure partie des salariés rentraient chez eux pour se restaurer. Ils mangent rapidement dans leur bureau ou dans tout autre lieu de travail (usine, atelier, entrepôt, etc.). Mais saviez-vous que cette pratique, bien que répandue, est interdite par la loi ? Mise au point sur la question des obligations de l’employeur à propos des repas des salariés.
Les salariés ne peuvent pas prendre leur repas n’importe où !
Le Code du travail énonce qu’il est interdit de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail, une interdiction principalement édictée pour des questions d’hygiène. (Code du travail, art. R. 4228-19).
L’employeur doit veiller au respect de cette règle en la rappelant dans une note de service, le règlement intérieur de l’entreprise ou le contrat de travail, notamment pour éviter tout risque de procès-verbal dressé par l’inspection du travail en cas de contrôle.
Aussi comme les salariés doivent pouvoir se restaurer, il va falloir leur libérer, pour cela, un emplacement.
Dans les établissements où le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à 25:
l’employeur doit mettre à disposition un « emplacement » leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité (Code du travail, art. R. 4228-23, al. 1er).
Ce n’est pas l’effectif de l’entreprise qui fonde l’obligation de mise en place d’un emplacement de restauration, mais le souhait d’un seul salarié désireux de déjeuner habituellement sur le lieu de travail.
Le texte ne décrit pas :
- les conditions auxquelles cet emplacement doit répondre, si ce n’est qu’il doit permettre de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité ;
- ce qu’il faut entendre par la notion de prendre « habituellement » ses repas sur le lieu de travail.
Quant à la notion d’emplacement à mettre à disposition, elle implique un espace dédié à la restauration, mais pas nécessairement une pièce séparée. L’emplacement de restauration peut, sur autorisation de l’inspecteur du travail et après avis du médecin du travail, être aménagé dans les locaux affectés au travail, à condition que l’activité de ces locaux ne comporte par l’emploi de substances ou de préparations dangereuses.
En tout état de cause, cet emplacement doit respecter les règles élémentaires d’hygiène et de sécurité (nettoyage régulier, poubelles, etc.).
Dans les établissements où le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est au moins égal à 25:
l’employeur, après avis du CHSCT ou, à défaut, des délégués du personnel, met à leur disposition un « local de restauration » (Code du travail, art. R. 4228-22, al. 1er).
Lorsqu’il est mis en place, ce local doit être pourvu de sièges et de tables en nombre suffisant. Il comporte un robinet d’eau potable, fraîche et chaude, pour 10 usagers (Code du travail, art. R. 4228-22, al. 2).
Il doit, par ailleurs, être doté d’un moyen de conservation ou de réfrigération des aliments et des boissons et d’une installation permettant de réchauffer les plats (Code du travail, art. R. 4228-22, al. 3).
Enfin, après chaque repas, l’employeur doit veiller au nettoyage du local de restauration ou de l’emplacement et des équipements qui y sont installés (Code du travail, art. R. 4228-24).
Pour vérifier la conformité des locaux aux normes d’hygiène et de sécurité, l’inspection du travail peut, à tout moment, pénétrer librement dans toutes les parties de l’entreprise et, a fortiori, à l’intérieur du local de restauration. L’employeur ne sera pas forcément informé d’une telle visite et ne peut, en aucun cas, s’y opposer.
Le comité d’entreprise peut, dans le cadre de ses activités sociales et culturelles, acheter des micro-ondes ou des réfrigérateurs supplémentaires. Ils seront financés sur le budget des activités sociales et culturelles.
Le restaurant d’entreprise ou interentreprises
Le Code du travail ne contient aucune règle sur le restaurant d’entreprise ou interentreprises.
La création d’un restaurant d’entreprise n’est pas obligatoire. A l’employeur, au comité d’entreprise ou aux deux parties conjointement, d’en prendre l’initiative.
Compte tenu des coûts d’investissement que représente une telle opération, il est fréquent que plusieurs entreprises exerçant leurs activités dans une même zone géographique mettent en place ensemble un restaurant interentreprises.
La gestion du restaurant d’entreprise peut être assurée par :
- l’entreprise elle-même ;
- un groupe d’entreprises ;
- le comité d’entreprise, dans le cadre de ses activités sociales.
Plusieurs modes de gestion sont possibles :
- soit l’entreprise assure directement et totalement la gestion du restaurant. Elle devra alors se doter en moyen de personnel, effectuer les installations nécessaires et passer contrat avec des fournisseurs de denrées alimentaires et boissons ;
- soit l’entreprise confie une partie de la gestion à un prestataire chargé de la livraison de repas cuisinés ou de la confection des repas ;
- soit la gestion est totalement confiée à un tiers.
Dans tous les cas, sa mise en place implique la consultation préalable des institutions représentatives du personnel (DP, CE et CHSCT, selon les cas).
Tous les salariés de l’entreprise ont un droit d’accès au restaurant d’entreprise, peu importe la forme de leur contrat (CDD, CDI), et leur durée de travail (temps plein ou à temps partiel). Les intérimaires y ont également accès bien que n’étant pas salariés de l’entreprise d’accueil.
L’aménagement des locaux destinés au restaurant d’entreprise doit être effectué en respectant l’ensemble des règles de sécurité et d’hygiène applicables aux locaux de travail (extincteurs en nombre suffisant, aménagement de dégagements, affichage des consignes d’incendie).
Ce n’est pas parce que l’employeur ou le CE permettent aux salariés de se restaurer à la cantine qu’ils doivent être pour autant nourris gratuitement, sinon, il s’agirait d’un avantage en nature, devant en tant que tel être réintégré dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale.
L’administration tolère qu’il soit fait abstraction de l’avantage en nature lorsque la participation personnelle du salarié est au moins égale à 50 % de la valeur forfaitaire fixée dans les conditions de l’article 1er de l’arrêté du 10 décembre 2002.
Aujourd’hui, la valeur forfaitaire d’un repas pris à la cantine ou au restaurant d’entreprise ou interentreprises est fixée à 4,60 euros. Aussi :
- si la participation financière du salarié au prix du repas servi par la cantine subventionnée directement par l’entreprise est inférieure à 50 % de l’évaluation forfaitaire, il convient de réintégrer la différence entre cette évaluation forfaitaire de l’avantage en nature nourriture et le montant de la participation personnelle du salarié dans l’assiette des cotisations ;
- si elle est supérieure ou égale à 50 % de l’évaluation forfaitaire, l’avantage en nature peut être négligé et ne doit pas être intégré dans l’assiette des cotisations.
- si la participation salariale s’élève à 1,50 euros par repas, l’avantage en nature à réintégrer dans l’assiette est de 3,10 euros par repas (4,60 euros – 1,50 euros) ;
- si la participation salariale s’élève à 3 euros par repas, l’avantage en nature nourriture peut être négligé et ne pas être intégré dans l’assiette des cotisations.
Les titres restaurant
L’employeur peut participer au coût du repas en fournissant aux salariés des titres restaurant.
Ces titres de paiement remis par l’employeur aux salariés leur permettent d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’un détaillant en fruits et légumes (Code du travail, art. L. 3262-1).
La délivrance aux salariés des titres restaurant, permet de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales. Pour cela, la participation de l’employeur doit être comprise entre 50 et 60 % de la valeur du titre, sans excéder 5,33 euros (valeur au 1er janvier 2014).
En cas de participation du comité d’entreprise au financement des titres restaurant, il convient de cumuler la participation de l’employeur et celle du CE, pour apprécier les limites d’exonération.
Tous les salariés de l’entreprise qui justifient d’un repas compris dans leur horaire de travail doivent bénéficier des titres restaurant.
L’octroi des titres étant soumis à une condition de travail effectif, le salarié dispensé d’exécuter son préavis, le salarié malade, en formation ou encore en congés payés ne peut y prétendre pour les jours d’absence.
Un même salarié ne peut recevoir qu’un titre restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier. Un salarié dont l’horaire de travail comporte deux repas pourra recevoir deux titres restaurant.
L’attribution de titres restaurant ne remplace pas textuellement l’obligation de mettre un local à la disposition des salariés pour le repas.
Dans une ancienne réponse ministérielle (n° 8300 du 27 mai 1964), l’Administration avait précisé que la remise de titres restaurant pouvait se substituer à la mise en place d’un local pour se restaurer si 3 conditions étaient réunies :
- l’installation d’un local au sein de l’entreprise est matériellement difficile ;
- les salariés acceptent de bénéficier de titres restaurant ;
- il existe, à proximité de l’entreprise, un ou plusieurs restaurants acceptant les titres restaurant.
La Cour de cassation semble du même avis, laissant à penser qu’un employeur est obligé d’octroyer des titres restaurant à défaut de mise en place d’un local ou d’un emplacement de restauration.
Mais le Conseil d’Etat s’est opposé au fait que l’employeur puisse se dégager de son obligation de mettre à disposition de ses salariés un local pour déjeuner (CE,11 décembre 1970, n° 75398).
Le plan gouvernemental 2013-2015 de lutte contre les drogues et les pratiques addictives prévoit que l’article R. 4228-20 du Code du travail qui précise qu’ « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail » doit être prochainement modifié. Cette modification a pour but de permettre aux employeurs de limiter toute boisson alcoolisée dans l’entreprise.
Sachez par ailleurs que l’employeur est passible d’une amende de 3.750 euros en cas de mise à disposition d’alcool non autorisé par le Code du travail, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés.
Caroline Gary, Chargée de relations humaines en entreprise (Editions TISSOT)