(Procédure accélérée)
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
Présenté par M. Jean CASTEX,Premier ministre
EXPOSÉ DES MOTIFS : L’épidémie de covid‑19 a imposé l’élaboration en extrême urgence, en mars dernier, d’un cadre législatif permettant de faire face à la crise qu’elle a provoquée. Soucieux de réexaminer ce cadre dans un contexte moins contraint, le législateur a prévu dès l’origine sa caducité au 1er avril 2021. Bien que ce régime ait fait ses preuves, cette échéance n’a été remise en cause par aucune des trois lois de prorogation intervenues depuis lors. Elle a même été étendue aux systèmes d’information institués pour gérer la crise sanitaire par la loi du 11 mai 2020.
L’ambition du présent projet de loi est ainsi de substituer à ces dispositions, conçues dans des circonstances particulièrement contraintes et pour faire spécifiquement face à l’épidémie de covid‑19, un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles.
Il s’agit donc de bâtir un cadre robuste et cohérent à partir des dispositions qui préexistaient à la crise et de celles mises en place à cette occasion, qui forment aujourd’hui un ensemble de trois régimes d’urgence imparfaitement articulés : celui des menaces sanitaires graves (art. L. 3131‑1 à L. 3131‑11 du code de la santé publique), celui de l’état d’urgence sanitaire (art. L. 3131‑12 à L. 3131‑ 20) et celui de la sortie de l’état d’urgence sanitaire (article 1er de la loi du 9 juillet 2020), auxquels s’ajoutent des dispositions particulières en matière de systèmes d’information.
La refonte prévue par le présent projet de loi distingue deux niveaux d’intervention selon la gravité de la situation et la nature des mesures à prendre pour y faire face : l’état de crise sanitaire, d’une part, et l’état d’urgence sanitaire, d’autre part. Ces deux régimes pourront rester parfaitement autonomes mais ils pourront également s’inscrire dans le prolongement l’un de l’autre, car l’état de crise sanitaire pourra être déclenché avant comme après l’état d’urgence sanitaire, soit pour juguler une crise naissante qui n’a pas encore l’ampleur d’une catastrophe sanitaire, soit pour mettre un terme durable aux effets d’une catastrophe qui n’aura pu être empêchée. Pendant la catastrophe sanitaire elle‑même, c’est le régime de l’état d’urgence sanitaire qui s’appliquera avec ses prérogatives propres auxquelles s’ajouteront celles de l’état de crise sanitaire, applicables de plein droit.
Il est en outre proposé de bâtir un cadre pérenne des systèmes d’information de crise, une disposition législative étant nécessaire pour autoriser, dans la stricte limite nécessaire à leur objet, des dérogations au secret médical, comme c’est actuellement le cas pour les systèmes créés pour la crise de la covid‑19.
L’article 1er crée ainsi trois nouvelles sections au sein du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique.
La section 1 prévoit la création d’un état de crise sanitaire ayant vocation à fixer un cadre pour l’exercice de plusieurs prérogatives qui, à l’heure actuelle, ne relèvent pas de l’état d’urgence sanitaire et peuvent directement être mises en œuvre par l’autorité compétente, sans que l’entrée dans le dispositif ne dépende d’un critère unique, ni ne soit formalisé ou limité dans le temps. Le déclenchement de ce régime a donc été conçu par symétrie avec l’état d’urgence sanitaire, tout en assouplissant les exigences procédurales qui prévalent pour ce dernier : déclaré par décret simple en vue de répondre à une menace ou une situation sanitaire grave, l’état de crise sanitaire est prorogé, tous les deux mois, par décret en conseil des ministres pris après avis public du Haut Conseil de la santé publique dont le rôle est étendu par symétrie avec celui du comité de scientifiques en état d’urgence sanitaire. L’information du Parlement sera renforcée par la remise d’un rapport en cas de mise en œuvre de l’état de crise sanitaire pendant plus de six mois.
La mise en œuvre de ce régime donne compétence au ministre chargé de la santé, comme c’est déjà le cas aujourd’hui en vertu de dispositions éparses, pour ordonner des mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement, autoriser la mise à disposition de produits de santé et prescrire toute autre mesure relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé. Le Premier ministre reste quant à lui compétent pour prendre des mesures de contrôle des prix et ordonner des mesures de réquisition.
Les deux principales évolutions introduites à cette occasion consistent, d’une part, à unifier la compétence en matière de produits de santé au profit du ministre chargé de la santé et, d’autre part, à étendre le champ d’application des mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement à des personnes déjà présentes sur le territoire et qui présenteraient un risque élevé de développer une maladie infectieuse.
La section 2, relative à l’état d’urgence sanitaire, reprend pour l’essentiel les dispositions déjà applicables tant du point de vue des modalités de déclaration, prorogation et cessation que des pouvoirs qui y sont attachés.
En sus des facultés associées à l’état de crise sanitaire, qui sont mobilisables sous l’état d’urgence sanitaire, le Premier ministre pourra recourir à des prérogatives de police administrative extérieures au domaine strictement sanitaire, comme le prévoit la loi actuelle : réglementation de la circulation des personnes, interdiction de la sortie du domicile, réglementation de l’ouverture des établissements recevant du public, limitation des rassemblements dans les lieux publics ainsi que toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre. La pérennisation de ce cadre législatif est l’occasion de confirmer l’exclusion de toute possibilité de réglementation des locaux à usage d’habitation et, d’autre part, de prévoir la possibilité de conditionner l’accès à certains lieux et l’exercice de certaines activités à la réalisation d’un dépistage ou à la prise d’un traitement préventif ou curatif, comme c’est le cas aujourd’hui par exemple pour les tests obligatoires avant un déplacement par transport aérien ou maritime.