L’employeur peut-il contrôler l’alcoolémie des salariés ?
L’employeur peut, via le règlement intérieur, contrôler l’alcoolémie des salariés dans l’entreprise. Les éthylotests classiques utilisés notamment pour les contrôles routiers permettent de déterminer si le salarié se trouve au-dessus ou en-dessous de 0,25mg d’alcool /l d’air expiré.
Attention ! Cette valeur de 0,25mg d’alcool /l est celle retenue par le Code de la route, mais elle n’apparait pas dans le Code du travail. Une disposition du Code de la route appliquée en droit du travail ne peut s’opposer au salarié, sauf si celui-ci venait à conduire. Sanctionner un salarié qui ne conduit pas sur la base d’une mesure d’alcoolémie supérieure à 0,25mg d’alcool /l est donc juridiquement dangereux, et un employeur qui prendrait cette mesure pourrait certainement se voir débouté devant un conseil des Prud’hommes.
À noter : Éthylotest uniquement ! Pour vérifier l’alcoolémie d’un salarié, l’employeur ne peut pas le contraindre à des examens sanguins puisque ces derniers portent atteinte à l’intégrité de la personne. En revanche, dès lors que la mesure est prévue dans le règlement intérieur, il peut le soumettre à un alcootest. Le test n’a pas à être effectué par le médecin du travail mais peut l’être par toute personne ou organisme désigné par l’employeur (rép. Boutin n° 1177 , JO 10 novembre 1997, AN quest. p. 3964 ; rép. Demange n° 33269 , JO 20 mars 2000, AN quest. p. 1838).
Deux conditions doivent être respectées pour que le contrôle d’alcoolémie soit admis :
- 1èrecondition : le contrôle de l’alcoolémie d’un salarié ne peut pas être systématique. Il doit uniquement avoir pour but de prévenir ou de faire cesser une situation dangereuse et ne peut donc pas être généralisé à tous les salariés de l’entreprise ;
- 2èmecondition : le contrôle de l’alcoolémie d’un salarié doit être prévu par le règlement intérieur de l’entreprise.
Le Conseil d’État a précisé que l’employeur a la possibilité, en cas de danger particulièrement élevé pour les salariés ou pour les tiers, d’interdire toute imprégnation alcoolique des salariés concernés. Les juges ont affirmé que le règlement intérieur peut se borner à fixer la liste des postes de travail concernés par la restriction sans comporter d’autres éléments d’explication. Et que l’employeur peut apporter la preuve du caractère proportionné de l’interdiction au moyen du document unique d’évaluation des risques professionnels de l’entreprise, et ce même si le règlement intérieur n’y fait pas référence.
À noter : l’employeur qui soupçonne un salarié sous imprégnation alcoolique de détenir de l’alcool dans l’entreprise peut décider d’effectuer la fouille de son armoire individuelle. Toutefois, cette fouille ne peut s’effectuer que si elle est prévue par le règlement intérieur et qu’en présence du salarié.
En revanche, le recours à un alcootest, permettant de déterminer le taux d’alcool contenu dans l’air expiré, ne peut être effectué que dans certains cas. En effet, il doit se limiter aux salariés dont la fonction expose directement des personnes ou des biens à un danger (par exemple, une personne manipulant des machines sur un chantier, un couvreur effectuant son travail en hauteur sur un échafaudage, etc.).
Le recours à l’alcootest doit également être accompagné de garanties pour le salarié. Ainsi, la présence d’un tiers, la possibilité de demander une contre-expertise ou un second test doit être prévue. La Cour de cassation confirme d’ailleurs que la mise en place d’un alcootest doit pouvoir être contestée par le salarié si besoin (Cass. soc., 22 mai 2002, n° 99-45.878).
Attention ! Il est indispensable de respecter les dispositions prévues dans le règlement intérieur de l’entreprise. En effet, si le règlement intérieur de l’entreprise mentionne que l’employeur ne peut soumettre un salarié à un contrôle d’alcoolémie que si son état d’ébriété est apparent, il ne pourra licencier un salarié dont l’état d’ébriété n’était pas apparent, même si le test est positif, puisque la clause du règlement intérieur de l’entreprise n’aura pas été respectée (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-13.757).
Quelles sanctions l’employeur peut-il infliger à un salarié qui a consommé de l’alcool au travail ?
Rappelons d’abord que l’employeur ne peut pas licencier le salarié sur le seul critère de l’alcoolisme. En effet, l’alcoolisme est une maladie. Or, il est interdit de licencier un salarié pour un motif lié à la maladie… sauf si l’absence prolongée du salarié désorganise de façon importante et durable l’activité de l’entreprise et exige donc le remplacement définitif du salarié malade.
Toutefois, si l’employeur ne peut pas licencier un salarié sur le seul critère de son alcoolisme, il peut toutefois sanctionner un salarié qui serait en état d’ivresse sur son lieu de travail et dont le comportement entraînerait des conséquences néfastes pour l’entreprise.
Les sanctions envisageables sont l’avertissement, le blâme, la mise à pied, la rétrogradation, ou encore, le licenciement pour faute grave. Le salarié peut d’ailleurs être sanctionné que l’état d’ivresse ait eu ou non des conséquences dans l’entreprise. Et comme pour toute sanction, celle-ci doit être proportionnée à la faute commise. Elle doit ainsi tenir compte des circonstances, des fonctions mais aussi de l’ancienneté du salarié.
Rappel. La faute grave ne peut être retenue que si elle ne permet plus de maintenir le salarié à son poste de travail au sein de l’entreprise. Ainsi, la faute grave a été retenue pour un salarié ayant consommé deux fois de l’alcool jusqu’à l’ivresse, l’empêchant d’effectuer son travail correctement (Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.198). Il en est de même pour une salariée qui travaillait comme hôtesse de caisse dans un magasin et qui a commis plusieurs erreurs de caisse en raison de son état d’ébriété (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-10.985). Dès lors que la faute grave est retenue, le salarié est alors privé de la période de préavis mais aussi de l’indemnité de licenciement.
Qu’en est-il en cas de consommation de drogue ?
Depuis quelques années, la drogue se fait de plus en plus présente au sein des entreprises…. Bien qu’il n’y ait pas encore de textes spécifiques, il semble que les juges appliquent à la consommation de drogue les mêmes règles qu’en cas de consommation d’alcool. Le licenciement est donc envisageable mais à la condition de pouvoir prouver l’état réel dans lequel se trouve le salarié. Pour cela, il existe des tests salivaires qui permettent de détecter la présence de drogues. Pour être légal, le recours à ces tests doit répondre aux mêmes conditions que celles prévues pour le test d’alcoolémie. Ils ne peuvent donc être mis en place que pour des postes nécessitant des exigences particulières en matière de sécurité. Comme pour l’alcool, il s’agira donc de postes de travail en hauteur, de conducteurs de machines, de postes d’encadrement impliquant la responsabilité d’autres salariés, etc.