Mise au placard et harcèlement moral : zoom sur le « bore out »

Publié le 24/06/2020 à 07:46 par la rédaction des Éditions Tissot 

A la question, quel est le syndrome des temps modernes en matière de risques psychosociaux (RPS), beaucoup d’entre nous répondraient le burn out. Oui mais… pas que ! Un arrêt du 2 juin, rendu par la cour d’appel de Paris, portant sur le « bore out » en témoigne.

Burn out, brown out et bore out

Burn out, bore out, brown out…. Autant de termes qui circulent autour de vous. De quoi parlons-nous concrètement ? Très schématiquement :

  • le burn out, le plus connu à ce jour, est le syndrome d’épuisement professionnel ;
  • le brown out correspond à une baisse de tension, à une panne de courant (ou « manque de jus ») face à l’attribution de tâches que le salarié considère absurdes ;
  • le bore out est défini comme l’ennui au travail, l’inverse du burn out.

Zoom sur le dernier de ces anglicismes qui nous fait perdre notre latin dans une récente affaire.

En l’occurrence, un salarié, engagé en 2006 comme responsable des services généraux, a été en arrêt maladie à compter de mars 2014. Il a été licencié en septembre de la même année pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Par la suite, il a sollicité la nullité de son licenciement pour harcèlement moral découlant d’un bore out. Etait-ce possible ?

Harcèlement moral et bore out

Pour mémoire, le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La mise au placard peut-elle entraîner la reconnaissance d’un harcèlement moral ?

Dans notre affaire, pour démontrer qu’il a subi un harcèlement moral, l’ancien salarié s’appuie sur :

  • une pratique de mise à l’écart, ayant été maintenu pendant les dernières années de sa relation de travail sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles ;
  • le fait d’avoir été affecté à des travaux subalternes « relevant de fonctions d’homme à tout faire ou de concierge privé » au service des dirigeants de l’entreprise ;
  • la dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé du fait de ces agissements ;
  • le bore out auquel il a été confronté faute de tâches à accomplir.

Des collègues en témoignent : « Il me demandait très régulièrement si je n’avais pas du travail à lui confier pour qu’il se sente utile et utilise ses compétences comme on aurait dû les utiliser. Il a été mis à l’écart, utilisé et mis dans un placard pour qu’on l’empêche de mettre son nez dans la gestion des dépenses liées aux événements et aux voyages ». Ou encore, il a sombré « petit à petit dans un état dépressif, au fur et à mesure qu’il se trouvait placardisé ».

La Cour d’appel reconnaît ici l’existence d’un harcèlement moral découlant de ces pratiques managériales de mise à l’écart, et d’ennui au travail.

Le licenciement doit-il pour autant être annulé ? Oui !

Lorsque l’absence prolongée d’un salarié est la conséquence d’une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut, pour le licencier, se prévaloir du fait qu’une telle absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Le licenciement est dès lors nul.

Au final, ce type de pratiques managériales de mise à l’écart peut avoir un impact considérable tant sur l’état de santé des salariés concernés que sur la bonne marche de l’entreprise, vu le coût induit.

Pour savoir reconnaître les différentes formes de risques psychosociaux dont fait partie le harcèlement moral, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Risques Psychosociaux ». Elles vous recommandent également des « Dépliants Harcèlement moral » afin d’alerter sur les comportements délétères au travail, réelles sources de souffrances pour les personnes qui en sont victimes.

Cour d’appel de Paris, 2 juin 2020, n°18/05421 (lorsque l’absence prolongée d’un salarié est la conséquence d’une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut, pour le licencier, se prévaloir du fait qu’une telle absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise.)

Sabine Guichard

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Don`t copy text!