Rappel: La loi Waserman a été promulguée le 21 mars 2022. Elle a été publiée au Journal officiel du 22 mars 2022

Une définition des lanceurs d’alerte plus large

Le texte précise la définition du lanceur d’alerte, le champ des informations considérées comme une alerte et complète la liste des secrets applicables.

Sera reconnue comme lanceur d’alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Jusqu’ici le lanceur d’alerte devait agir « de manière désintéressée ». Cette notion ambiguë est remplacée par une absence de contrepartie financière. Il s’agit d’assouplir la recevabilité de l’alerte notamment dans les cas où le lanceur d’alerte est en conflit avec son employeur, sans pour autant permettre sa rémunération (comme c’est la pratique aux États-Unis).

Selon la loi « Sapin 2 », le lanceur d’alerte devait aussi avoir « personnellement » connaissance des faits qu’il signalait. Cette condition est supprimée dans le contexte professionnel. Dans ce cadre, un lanceur d’alerte pourra ainsi signaler des faits qui lui ont été rapportés. 

Les faits dénoncés pourront porter sur « des informations » sur un crime, un délit ou des violations du droit mais aussi sur des « tentatives de dissimulation » de ces violations. La violation de la règle n’aura plus à être « grave et manifeste ».

À l’initiative des parlementaires, les garanties offertes par la loi Sapin 2 ont été étendues aux lanceurs d’alerte qui relèveraient d’un dispositif spécifique de signalement. Le lanceur d’alerte bénéficiera des mesures les plus favorables de chaque dispositif. Ces garanties ne s’appliqueront toutefois pas au dispositif spécifique de signalement en matière de renseignements.

Un nouveau statut pour l’entourage des lanceurs d’alerte

La loi « Sapin 2 » ne prévoyait rien sur l’entourage du lanceur d’alerte.

Le texte, suivant la directive du 23 octobre 2019, étend certaines protections offertes aux lanceurs d’alerte, notamment la protection contre les représailles, aux personnes physiques et aux personnes morales à but non lucratif (syndicats et associations) qui sont en lien avec le lanceur d’alerte : facilitateurs qui aident à effectuer le signalement ou la divulgation, collègues, proches…

Avec ce nouveau statut pour les « facilitateurs », le lanceur d’alerte ne sera plus isolé.

Les canaux de signalement simplifiés

C’est une des innovations principales de la directive de 2019. Les canaux dont dispose le lanceur d’alerte pour signaler des faits, s’il veut bénéficier d’une protection, sont simplifiés.

La loi « Sapin 2 » hiérarchisait les canaux d’alerte en trois temps :

  • d’abord obligatoirement un signalement interne par l’intéressé dans son entreprise ou son administration ;
  • ensuite en l’absence de traitement, un signalement externe (à l’autorité administrative ou judiciaire ou à un ordre professionnel) ;
  • et en dernier recours une divulgation publique.

Cette hiérarchisation posait des difficultés : en cas de signalement interne, les risques de pressions et de représailles étaient accrus. Par ailleurs, la procédure de signalement externe était complexe et peu connue.

La loi prévoit que désormais le lanceur d’alerte pourra choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l’autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen.

La divulgation publique ne sera toujours possible que dans certaines situations. Après accord trouvé entre les parlementaires, l’alerte publique pourra intervenir en cas :

  • d’absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un certain délai ;
  • ou de risque de représailles ou si le signalement n’a aucune chance d’aboutir ;
  • ou de « danger grave et imminent » ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ».

Dans les cas de signalement ou de divulgation publique anonyme, un amendement des sénateurs a permis aux personnes ayant vu leur identité révélée, comme les journalistes, d’obtenir le statut de lanceur d’alerte. Cet amendement a renforcé, conformément à la directive de 2019, la protection des sources.

Un décret précisera la liste des autorités compétentes pour recueillir et traiter les alertes externes, parmi les autorités administratives ou indépendantes, les ordres professionnels… Ce décret fixera les conditions et délais dans lesquels elles devront accuser réception des signalements (sept jours maximum) et fournir un retour d’information aux lanceurs d’alerte (trois mois ou six mois si cela est justifié).

Dans ce nouveau dispositif, le Défenseur des droits aura la charge d’orienter les lanceurs d’alerte et de réorienter les alertes lorsqu’une autorité externe ne s’estimera pas compétente. Tout au long de son parcours, le lanceur d’alerte pourra bénéficier de l’appui d’un nouvel adjoint au Défenseur des droits, dont les missions sont précisées par la loi organique du 21 mars 2022.

Des mesures de protection renforcées

Pour faciliter les alertes, la loi renforce les garanties de confidentialité qui entourent un signalement et complète la liste des représailles interdites (intimidation, atteinte à la réputation notamment sur les réseaux sociaux, orientation abusive vers des soins, inscription sur une liste noire…).

L’irresponsabilité des lanceurs d’alerte du fait de leur signalement est étendue. Le lanceur d’alerte ne pourra être inquiété ni civilement pour les préjudices que son signalement de bonne foi aura causés, ni pénalement pour avoir intercepté et emmené des documents confidentiels liés à son alerte, contenant des informations dont il aura eu accès de façon licite. Par exemple, un salarié à qui on montre un rapport prouvant qu’une usine déverse du mercure dans une rivière, aurait le droit de le subtiliser pour prouver les faits dont il a eu licitement connaissance.

La loi entend également limiter le coût financier, parfois considérable, des procédures que doivent engager les lanceurs d’alerte. En début de procès, le juge pourra accorder une provision pour frais de justice au lanceur d’alerte qui conteste une mesure de représailles ou une procédure « bâillon » à son encontre (comme une plainte pour diffamation destinée à intimider et réduire au silence le lanceur d’alerte). Les députés ont prévu que le juge puisse aussi allouer une provision au lanceur d’alerte dont la situation financière s’est gravement dégradée. Les députés ont en outre permis au juge de rendre ces provisions définitives à tout moment, c’est-à-dire même si le lanceur d’alerte perd son procès.

L’amende civile encourue en cas de procédure « bâillon » contre un lanceur d’alerte est portée 60 000 euros.

Enfin, les lanceurs d’alerte pourront bénéficier de mesures de soutien psychologique et financier par les autorités externes, qu’elles aient été saisies directement ou via le Défenseur des droits.

Les sénateurs sont revenus sur la création d’un référé liberté « droit d’alerte » au profit des agents publics. Ils ont aligné la protection des militaires lanceurs d’alerte sur celle des fonctionnaires civils.

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