Orientations stratégiques et CSE : Consécration de l’autonomie des consultations ponctuelles et récurrentes

Par une décision en date du 21 septembre 2022, n°20-23660, publiée au Bulletin, la Cour de Cassation tranche de manière définitive la question de l’articulation de ces deux types de consultation.

Alors que jusqu’à ce jour des décisions divergentes provenaient des Tribunaux et des Cours d’appel, la Cour de Cassation fait un choix clair : ces deux types de consultations sont totalement autonomes l’une de l’autre.

Dès lors, la consultation ponctuelle ne peut être suspendue à la réalisation préalable de la consultation annuelle sur les orientations stratégiques.

1. La consultation ponctuelle : une consultation sur un projet déterminé.

La consultation dite « ponctuelle » vise à consulter le CSE sur un projet déterminé intéressant directement l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

Les projets soumis à l’avis du CSE peuvent concerner notamment un projet de nature affecter les conditions de travail des salariés, ou le nombre d’emploi dans l’entreprise, la modification de son organisation économique ou juridique, les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ; tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; les mesures relatifs à l’aménagement des portes des travailleurs reconnus handicapés (L2312-8 du Code du Travail).

L’article L2312-37 du Code du Travail précise également 5 cas particuliers de consultation dite ponctuelle obligatoire avant la mise en place d’un projet. Par exemple : Mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salariés, restructuration et compression des effectifs, Licenciement collectif pour motif économique, les Opération de concentration, l’Offre publique d’acquisition, une procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

Le CSE a un mois pour donner un avis, à défaut son avis est réputé donné et le projet peut être mis en place. Ce délai est prorogé à deux mois en cas de vote d’une expertise.

2. La consultation sur les orientations stratégiques : une consultation générale sur l’avenir.

La Cour de cassation précise dans sa note accompagnant son arrêt la source de la consultation sur les orientations stratégiques.

La consultation récurrente sur les orientations stratégiques a été introduite par un Accord National Interprofessionnel en Juin 2013 reprise ensuite dans la loi dont l’objectif est de : « promouvoir l’anticipation dans l’entreprise » et la participation du CSE à la définition des orientations stratégiques de l’entreprise.

La consultation sur les orientations stratégiques est prévue par l’article L2312-24 du Code du Travail.

En cas d’absence d’accord d’entreprise la périodicité de la consultation sur les orientations stratégiques doit être faite tous les ans (L2312-22 du Code du Travail).

S’il existe un accord d’entreprise la périodicité de la consultation ne peut être inférieur à trois ans (L2312-19 Code du Travail).

Le CSE est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs conséquences, mais également sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement de compétence.

L’avis du comité ainsi que les éventuelles orientations alternatives proposées par le CSE doivent être transmis aux organes dirigeant de la société qui doivent y apporter une réponse écrite.

3. Au regard des objets et objectifs distincts de ces consultations elles doivent être regardées comme autonomes.

La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel qui avait suspendu une consultation ponctuelle sur un projet déterminée à la réalisation préalable de la consultation sur les orientations stratégiques [1].

La Cour d’Appel de Paris avait pourtant motivé sa décision factuellement. En effet, dans le cas d’espèce, la consultation ponctuelle portait sur une fermeture d’un établissement.

Or cette dernière résultait, d’après le CSE et dans un argument repris par la Cour d’Appel, d’un projet déterminé qui était la conséquence d’un choix « stratégique » en raison de la baisse de fréquentation de l’établissement et des frais engagés pour le maintenir ouvert.

Dès lors, il apparaissait logique de procéder en premier lieu à la consultation sur les orientations stratégiques à laquelle le CSE aurait pu, dans le cadre de ses prérogatives, proposer des alternatives grâce à une vision et information globale sur les choix stratégiques de l’entreprise pour l’avenir. Puis en second lieu, à la consultation ponctuelle sur le projet déterminé de fermeture d’établissement conséquence de ce choix sur les orientations stratégiques.

Sachant qu’en l’espèce, les deux consultations avaient été lancées avec seulement quelques semaines d’écart laissant supposer une certaine mauvaise foi ou à tout le moins un caractère peu sincère de la société dans l’organisation de ces consultations.

La Cour d’Appel de Paris avait dès lors suspendu la consultation ponctuelle à la réalisation préalable de la consultation sur les orientations stratégiques, la première étant une conséquence de la seconde. Elle avait condamné en conséquence la société à 30 000,00 euros pour provision de dommages et intérêt pour délit d’entrave. Le projet déterminée (fermeture d’une établissement) ayant été mise en œuvre malgré la suspension de la consultation par le tribunal judiciaire.

Raisonnement logique et plus favorable au dialogue social… mais sans fondement légal d’après la Cour de Cassation.

En cassant cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle l’autonomie totale de ces deux types de consultation au regard de leurs objectifs et temporalité différentes même lorsque ces consultations semblent avoir un lien.

4. Pistes de réflexion.

On peut envisager des limites à cette décision en soulignant qu’en cas de non-respect de la périodicité des consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la société pourra être sanctionnée par une condamnation pour délit d’entrave.

Cependant, cette réponse est réparatrice mais non préventive comme peut l’être la suspension d’un projet déterminé comme c’était le cas en l’espèce.

Une autre des solutions est d’intégrer une mention spécifique dans l’accord d’entreprise organisant les consultations.

En effet, l’articulation entre les consultations ponctuelles et la consultation récurrente sur les orientations stratégiques peut parfaitement être précisé dans un accord qui indiquerait par exemple qu’en cas de projet déterminé qui serait la conséquence directe des orientations stratégiques globales de l’entreprise il sera impératif de procéder d’abord à la consultation sur l’orientation stratégique puis seulement à la consultation sur le projet déterminée.

Décision commentée : Cour de Cassation, 21 septembre 2022, n°20-23660, publiée au Bulletin.

Aude Simorre pour Village de la Justice
Avocate au Barreau de Paris

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