On vous résume la polémique autour de McKinsey…

Franceinfo / France Télévisions publié le 10/02/2021 19h55 / Mis à jour le 11/02/2021 17h59

McKinsey, le cabinet qui conseille le gouvernement sur la stratégie vaccinale

L’influente firme de conseil américaine entretient des liens étroits avec le chef de l’Etat. Mais elle n’est pas la seule à intervenir dans la campagne de vaccination mise en place par l’exécutif.

Qui a vraiment eu la main sur la gestion de la campagne de vaccination contre le Covid-19 en France ? Certains domaines de la stratégie vaccinale mise en place par le gouvernement ont été confiés au cabinet de conseil américain McKinsey, ainsi qu’à plusieurs autres cabinets (Accenture, Citwell et JLL), selon les révélations faites par Le Canard Enchaîné et le site Politico (en anglais) début janvier.

Ces prestations extérieures s’éleveraient à 2 millions d’euros par mois pour McKinsey, selon Le Point, et 1,2 million d’euros pour Accenture, d’après Mediapart. D’autres cabinets sont également sollicités, comme JLL Consulting, Roland Berger, ou Deloitte. On vous résume cette polémique et le rôle joué par ce très mystérieux cabinet Mckinsey qui murmurerait à l’oreille du président Emmanuel Macron.

Une « firme » très secrète et très influente

Le cabinet de conseil américain McKinsey, surnommé « la Firme », a été créé par James McKinsey dans les années 1920. Sa clientèle rassemble aujourd’hui tout le gotha : « des PDG, des ministres, des chefs d’Etat », énumère Le Monde (article abonnés), qui a publié une longue enquête sur « la Firme », vendredi 5 février. « Quand on fait appel à eux, il y a une part de snobisme, on achète aussi une réputation », explique un concurrent au quotidien du soir. Et la tarification des services s’en ressent. Grâce à son influence, le puissant cabinet affichait, en 2019, un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros, selon le magazine américain Forbes (en anglais).

« McKinsey est établi en France depuis 1964, et emploie ses salariés en contrat de travail de droit français. Le cabinet respecte l’ensemble des règles fiscales et sociales françaises applicables aux sociétés. Il déclare ses activités en France, et paie la fiscalité directe et indirecte due chaque année. Il s’acquitte des charges sociales au titre de ses salariés en France », précise de son côté à franceinfo la filiale française de McKinsey.

Des liens étroits avec Emmanuel Macron

La première rencontre entre Emmanuel Macron et McKinsey remonte à 2007. Le jeune énarque de 29 ans est alors inspecteur des finances et rapporteur général adjoint de la commission Attali, rappelle Le Monde. Emmanuel Macron « impressionne » l’assistance – composée de grands patrons, d’économistes ou d’intellectuels – durant les travaux de cette commission chargée de formuler des propositions pour « libérer » la croissance française, à la demande du président Nicolas Sarkozy. Parmi eux, se trouvent Eric Labaye et Pierre Nanterme, respectivement patrons de McKinsey France et d’Accenture, détaille le quotidien. Emmanuel Macron fait aussi la rencontre de Karim Tadjeddine, alors chef des consultants de McKinsey.

Avec ce dernier, Emmanuel Macron – qui a entre-temps intégré la banque d’affaires Rothschild & Cie – intègre en 2010 le conseil d’administration du think tank En temps réel. Ils y rencontrent Thierry Cazenave, avec lequel ils collaboreront quelques années plus tard sur son livre L’Etat en mode start-up (Eyrolles, 2016).

Aujourd’hui, Emmanuel Macron est chef de l’Etat. Il a créé après son élection, en novembre 2017, une direction interministérielle à la transformation publique (DITP) et placé à sa tête un certain Thierry Cazenave, qui supervise toutes les missions commandées aux cabinets de conseil privés, comme McKinsey. Quant à Karim Tadjeddine, il est justement chargé de ces missions pour l’Etat au sein du cabinet américain. Un « entre-soi qui dérange », écrit Le Monde. Selon le journal, la DITP, qui dispose d’un budget global de 100 millions d’euros sur le quinquennat, a pour l’instant dépensé 30,2 millions pour les seules prestations de consultants privés.

Durant la campagne présidentielle de 2017, les « MacronLeaks » ont également révélé la collaboration entre des membres de McKinsey et la République en marche, le parti lancé par le candidat Macron, rapporte Le Monde. Mais aucune trace d’une facture du cabinet dans les comptes de campagne du parti, consultés par le quotidien à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). LREM a assuré au quotidien qu’il ne faisait pas appel à des cabinets de conseil en stratégie « ni pour des missions facturées, car nous n’en avons pas les moyens, ni pour des missions ‘pro bono’ [pour le bien public], car ce serait considéré comme un don d’une personne morale à un parti politique et c’est interdit par la loi ».

Un rôle important dans la campagne de vaccination

Le 12 janvier, quelques jours après les révélations du Canard enchaîné et de Politico sur la sous-traitance de la logistique du plan de vaccination à McKinsey, Olivier Véran a été auditionné en commission à l’Assemblée pour justement détailler la stratégie vaccinale française. Et il a évidemment été interrogé sur le cabinet de conseil américain. Réponse laconique du ministre : « Il est tout à fait classique et cohérent de s’appuyer sur l’expertise du secteur privé. » Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, avait été plus loquace en conférence de presse une semaine plus tôt, comme le note Politico.

L’embauche de consultants externes fournit « un soutien du secteur privé en plus de l’expertise de nos fonctionnaires, a-t-il expliqué. C’est dans ce contexte que nous avons utilisé (McKinsey). Comme vous le savez, la logistique est au cœur de la campagne de vaccination. » Gabriel Attal a ajouté que « les cabinets de conseil sont utilisés depuis plusieurs années par plusieurs gouvernements lorsqu’ils élaborent et mettent en œuvre de grands projets nécessitant un soutien et des conseils stratégiques ou logistiques ». De son côté, la direction générale de la santé a expliqué au Monde que McKinsey était chargé « du cadrage logistique, du benchmarking et de la coordination opérationnelle », sans donner davantage de détails.

Le Monde raconte que le 23 décembre lors d’une visioconférence organisée par Olivier Véran avec les directeurs d’hôpitaux choisis pour lancer le plan de vaccination, Maël de Calan, élu du Finistère embauché en 2018 par McKinsey, détaille la stratégie logistique retenue et dresse un état des lieux de la vaccination chez les voisins européens. Une présence qui étonne, alors que « pour le H1N1, en 2010, nous n’avons pas eu besoin d’autres compétences, on a tout géré en interne », remarque une personne haut placée au sein du ministère de la Santé.

Ce recours à McKinsey et à d’autres cabinets s’expliquent aussi par rapport à l’urgence de la situation. « On peut avoir le sentiment qu’il y a eu une sorte d’effet de panique », souffle à Politico la députée Les Républicains Véronique Louwagie, rapporteure du budget sur plusieurs sujets santé. « Au moins deux associés et sept consultants de McKinsey travaillent sur la campagne de vaccination », avance l’article, qui pointe la dureté de la situation. « Une personne sur deux est en burnout », clame auprès du site d’informations un fonctionnaire du ministère de la Santé sous couvert d’anonymat. « Vous avez une crise, un confinement, plus le vaccin à gérer… Il est évident que nous avons besoin d’une aide extérieure. »

« D’une manière générale, le recours à des cabinets de conseil ne me choque pas trop », observe Véronique Louwagie auprès de Politico. Mais « la fréquence me gêne, l’accélération (de ces derniers mois) aussi ». Elle ajoute : « La question aujourd’hui est de savoir : est-ce qu’il est normal qu’une administration comme celle de la santé ne soit plus en capacité d’assurer un certain nombre de missions ? »

Une influence qui dépasse le cadre de la santé

Aujourd’hui, selon Le Monde, le cabinet McKinsey « rend quelques services à la présidence de la République, mais gratuitement ». En 2018, il était intervenu au sommet intitulé « Tech for Good » dans lequel Emmanuel Macron avait invité les patrons de Facebook, Google ou Uber. Le cabinet de conseil était chargé de préparer les débats et suivre le respect des engagements. Une autre mission « pro bono », une de ses spécialités. McKinsey intervient aussi auprès du ministère des Armées, qui échappe au contrôle de la DITP et dispose de sa propre enveloppe de 87 millions d’euros pour acheter des conseils, assure le quotidien. Le cabinet conseille le ministère sur sa transformation. 

McKinsey agissait déjà pour le compte de l’Etat à l’époque de Nicolas Sarkozy. Il avait conseillé le ministère de l’Identité nationale sur une « optimisation du processus de naturalisation ». Cette question migratoire est une des marottes du cabinet américain puisqu’en 2017, le député Aurélien Taché, alors membre de LREM, est chargé par le gouvernement d’un rapport sur la politique de l’immigration. Il auditionne le cabinet pour son « approche comparée avec l’Allemagne », explique aujourd’hui au Monde le coprésident du parti Les Nouveaux démocrates. A l’époque, outre-Rhin, le cabinet avait travaillé avec le gouvernement d’Angela Merkel sur l’accueil des migrants.

NDLR :

  1. Commentaire de soleil levant il y a 2 mois :

Une information essentielle qui manque dans cet article c’est que le boulot habituel du directeur associé du bureau McKinsey de Paris est de conseiller « les acteurs de l’industrie pharmaceutique et des produits médicaux dans le monde entier sur leurs grands enjeux stratégiques. Il travaille aux côtés de grands laboratoires comme de biotechs ». Il suffit de surfer sur le site de mckinsey pour découvrir cela. Dingue non ? La France se fait conseiller dans sa stratégie de politique de Santé – et non la moindre, n’oublions pas que les produits appelés vaccins ont été mis sur le marché (traduire : injecter dans nos corps), alors qu’ils étaient à leur état expérimental – par des mecs dont leur métier est de permettre à l’industrie pharmaceutique de prospérer ????!!!! Le mot ETHIQUE doit être remis au centre de nos politiques publiques.

  1. Ouverture d’une enquête préliminaire :

Après des semaines de controverses politiques, la polémique sur les cabinets de conseil prend une tournure judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) a annoncé, mercredi 6 avril, avoir ouvert une enquête préliminaire pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » à l’encontre du cabinet de conseil McKinsey.

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