Covid-19 : l’exercice du droit de retrait est-il légitime ?

le 25/03/2020 à 08:15 par la rédaction des Éditions Tissot dans Sécurité et santé au travail.

En cette période trouble, les questions sont nombreuses autour du droit de retrait des salariés. Avant les mesures de « confinement » décidées par le Gouvernement, nous avons ainsi pu voir les collaborateurs du musée du Louvre ou encore des chauffeurs de bus – dans des zones à risques – exercer ce droit… L’exercice de ce droit est-il fondé ? Le questions-réponses du ministère du Travail nous éclaire sur la situation actuelle.

Covid-19 : droit de retrait

Nous en parlons beaucoup, c’est certain. Mais… de quoi s’agit-il ? Comment la réglementation encadre-t-elle le « droit de retrait » ?

Le salarié « alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation » (C. trav., art. L. 4131-1).

L’employeur ne peut pas demander au salarié de reprendre son activité tant que persiste ce danger. Il ne peut pas non plus le sanctionner, ou encore effectuer une retenue sur salaire si le salarié avait un « motif raisonnable » de penser qu’il existait bien un danger grave et imminent.

C’est bien là toute la difficulté : comment apprécier si ces conditions sont réunies ? Et qui l’apprécie ?

Covid-19 et droit de retrait : les dernières précisions du Gouvernement

Dans le questions-réponses du ministère du Travail, régulièrement actualisé, des précisions sont apportées.

D’après les données épidémiologiques disponibles aujourd’hui, seul un contact étroit avec une personne déjà contaminée, par l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors d’éternuements ou de toux par la personne contaminée, est de nature à exposer le salarié à une contamination. Le respect des « mesures barrières » est donc de nature à réduire très fortement le risque d’exposition.

L’employeur, qui doit assurer la sécurité et la protection de la santé de son personnel, est invité à respecter les recommandations émises dans le cadre de cette « épidémie ». Il doit notamment actualiser l’évaluation des risques professionnels et prendre les mesures de prévention adaptées face au risque de contagion.

Et le droit de retrait, donc ? Le ministère l’aborde à plusieurs reprises dans son jeu de questions-réponses et affirme notamment que le droit de retrait vise une situation particulière de travail « et non une situation générale de pandémie ».

Peut être considéré comme « grave », tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

Autre point essentiel : le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse « créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent ».

Si l’employeur demande un déplacement vers une zone à risque, le salarié peut-il légitimement exercer son droit de retrait ?

Selon le ministère, un salarié serait « fondé à exercer son droit de retrait pour la seule situation où, en violation des recommandations du Gouvernement, son employeur lui demanderait de se déplacer en l’absence d’impératif ».

Dans les autres situations, le respect par le salarié des mesures dites « barrières » et la vérification par l’employeur de leur mise en œuvre effective constituent une précaution suffisante pour limiter la contamination.

Le ministère en conclut que dans le contexte actuel, si l’employeur a mis en œuvre les dispositions légales et les recommandations nationales visant à protéger la santé et assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut pas, en principe, trouver à s’exercer.

Et si un salarié est affecté à un poste de travail le mettant en contact avec le public ?

Avec la même condition de respect des recommandations, le fait que le salarié soit affecté à l’accueil du public, pour des contacts brefs, ne suffit pas à légitimer l’exercice du droit de retrait.

Si les contacts avec le public sont prolongés et proches, l’employeur est invité à compléter les mesures barrières, par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre, par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, ainsi que par le lavage des mains.

Et si un collègue est contaminé ?

Le ministère invite l’employeur à suivre une série précise de recommandations avant d’en conclure que l’exercice du droit de retrait par le salarié n’est pas légitime si ces mesures sont mises en oeuvre.

L’employeur est, dans tous les cas, invité à suivre les recommandations qui sont régulièrement actualisées.

Quoi qu’il en soit, c’est le juge qui sera appelé à se positionner sur le caractère légitime ou non de l’exercice – par un salarié – de son droit de retrait.


Ministère du Travail, Covid-19, questions/réponses pour les entreprises et les salariés, version du 19 mars

Sabine Guichard

 

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