Rapport HIRES: de la santé des travailleurs dans les restructurations
Le rapport HIRES commandé par la CEE est paru.
Il traite de la santé des travailleurs lors des périodes de restructurations. C’est une étude de 80 pages, précise et très complète…
quelques extraits:
la pression au travail
…Il est reconnu par ailleurs que la pression au travail est l’une des causes principales d’accidents du travail (Smulders, 2003). Cette pression engendre la précipitation et l’inattention, et elle incite souvent les salariés à négliger les conditions de sécurité.
Une autre raison courante des accidents du travail est la fatigue, et il est clair que la charge de travail accrue dont on a parlé plus haut provoque un plus grand nombre d’accidents causés par la fatigue. Enfin, s’il faut faire encore un lien entre production rationalisée et accidents du travail, on peut évoquer le manque d’effectifs, notamment dans les unités de production. Un personnel insuffisant peut menacer la gestion des risques, notamment dans les usines dites « sans employés » où il peut s’avérer plus difficile de gérer des événements inattendus avec un nombre réduit d’employés….
angoisse et restructurations
…Nombreuses sont les données qui prouvent que les salariés éprouvent un sentiment d’insécurité pendant le processus de restructuration. Ce sont les réductions d’effectifs, les fusions et les acquisitions qui fournissent les données empiriques les plus évidentes sur la relation entre ces deux phénomènes, à savoir le fait objectif des restructurations et le sentiment d’insécurité. Toutefois, il est possible d’avancer que toutes les formes de restructurations, parce qu’elles impliquent des changements futurs avec l’ambiguïté que cela comporte, se traduisent aussi par un sentiment d’insécurité. L’insécurité de l’emploi est considérée comme l’un des médiateurs les plus importantes dans la relation restructurations/santé. En d’autres termes, on part du principe qu’un processus de restructuration conduit à une détérioration de la santé parce qu’elle génère une insécurité de l’emploi qui, à son tour, engendre des effets sur la santé. Dès lors, pour savoir quelles sont les éventuelles conséquences d’une restructuration sur la santé, il est très instructif de prendre connaissance des résultats des études qui ont été menées sur la relation entre insécurité de l’emploi et santé. Des effets préjudiciables à la santé peuvent déjà se faire sentir bien avant la fermeture ou la relocalisation effectives de l’entreprise ou de toute autre forme de restructuration.
Le simple fait d’annoncer que des emplois seront supprimés dans un proche avenir induit en lui-même anxiété et détresse psychologique. L’annonce d’une restructuration peut entamer la motivation des salariés et elle peut être assimilée à un manquement au contrat psychologique qui lie le salarié à son employeur, des facteurs qui, à leur tour, engendrent un taux plus élevé d’absentéisme(Freese, 2007). D’autre part, il est probable qu’il y ait aussi des taux plus élevés de présentéisme, à savoir des salariés malades qui se rendent à leur travail en dépit de leurs maux. Comme il est démontré que des salariés en mauvaise santé sont plus souvent licenciés que des salariés en bonne santé, les salariés malades peuvent être tentés de continuer à travailler même si cela s’avère préjudiciable à leur rétablissement, ce qui ne fait qu’aggraver leurs problèmes de santé sur le long terme(Quinlan, 2007).
En ce qui concerne les « rescapés », ils font quatre fois plus preuve de présentéisme malgré leurs maux (Theorell et al., 2003), un taux avéré tout particulièrement chez les travailleurs temporaires (Vahtera et al., 2004).
Une perte d’emploi imminente peut produire un autre effet : ceux qui ont les meilleures chances sur le marché du travail peuvent avoir envie de changer d’entreprise. Le plus souvent, cela peut se traduire par une charge de travail accrue pour ceux des employés qui n’ont pas encore quitté l’entreprise. Non seulement, il peut s’en suivre pour eux une surcharge psychologique ou physique, mais ils peuvent aussi s’exposer à des accidents du travail en raison de la fatigue ou de tâches exécutées dans la hâte.
Même dans les cas où, de toute évidence, les salariés ne sont pas menacés à court terme de perdre leur emploi et où la restructuration peut même renforcer la position de leur entreprise (par exemple dans un cas de fusion ou encore de rachat d’une autre entreprise par la leur), les salariés peuvent finalement et malgré tout en ressentir les effets sur leur santé. Premièrement, il est fort probable que cette fusion ou cette acquisition ait pour objectif, à la longue, de parvenir à une certaine synergie. En pratique, cela se traduira souvent par des suppressions de postes, notamment au niveau de l’entreprise rachetée. Il s’ensuivra un fort sentiment d’angoisse et d’incertitude dans la période qui suivra immédiatement la restructuration, et ce tant que les responsables de l’entreprise n’auront pas dévoilé les plans à mettre en oeuvre.
Deuxièmement, les salariés des entreprises concernées peuvent se montrer dubitatifs quant aux effets anticipés de cette synergie. La fusion peut mal se passer ou encore l’entreprise qui procède au rachat peut avoir dépassé son enveloppe financière, ce qui entraîne obligatoirement des problèmes financiers et, ultérieurement, des réductions de postes. Le doute ressenti par les salariés peut alors déboucher sur un sentiment d’insécurité.
Troisièmement, le fait de fusionner deux ou trois divisions des entreprises concernées,
afin de parvenir à une économie d’échelle, va probablement engendrer des mouvements et des transferts au niveau de leurs départements respectifs et par conséquent les employés eux-mêmes vont devoir supporter et subir ces changements.
Il peut en résulter une insécurité quantitative (crainte de perdre son emploi) ou du moins une insécurité qualitative (crainte d’une détérioration des tâches au sein de l’entreprise). En outre, après la réorganisation des départements, les salariés peuvent ressentir une certaine ambiguïté au niveau de leurs rôles. Les changements de rôles et les conflits de plus en plus nombreux qui éclatent en raison des contraintes de travail et de la pression ont tous des effets négatifs sur le bien-être des salariés (Probst, 2003)