Une dénonciation de harcèlement peut-elle constituer une diffamation ?
Carole Anzil le 09/03/2020 à 08:17 Éditions Tissot
Si aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, qu’en est-il en cas de mauvaise foi de celui-ci ? Dans une telle situation, le salarié peut-il être poursuivi pour diffamation ?
Un salarié a envoyé un mail pour dénoncer des faits de harcèlement sexuel et moral. Ce mail a été envoyé au DRH de l’entreprise, aux représentants du personnel, à l’inspecteur du travail et à un membre de la famille du présumé harceleur. Cette dénonciation ayant lieu suite à une vive altercation entre les protagonistes lors d’une réunion de travail, je crains que le salarié dénonçant les faits ne soit de mauvaise foi. Dans un tel cas, peut-il être poursuivi pour diffamation.
Harcèlement : la dénonciation en étant de mauvaise foi peut faire l’objet d’une sanction
La jurisprudence considère que ce n’est que lorsque le salarié dénonce une situation de harcèlement en étant de mauvaise foi que vous pouvez utiliser votre pouvoir disciplinaire en prenant une mesure adéquate.
En la matière, la mauvaise foi résulte uniquement de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce, et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Il vous revient en tant qu’employeur de démontrer que les faits dénoncés ne sont pas établis mais que le salarié le savait.
Harcèlement : est-il possible, si la mauvaise foi peut être établie, de poursuivre le salarié en diffamation ?
Selon la Cour de cassation, les salariés qui dénoncent de tels faits bénéficient d’une protection et ne peuvent pas être poursuivis en diffamation.
Notez-le
Constitue une diffamation, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.
Toutefois, lorsqu’il est établi que le salarié avait connaissance, au moment de cette dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue.
Dans une affaire soumise à son appréciation, la Cour de cassation a affiné sa jurisprudence.
Selon elle, un salarié poursuivi pour diffamation après avoir révélé des faits de harcèlement sexuel ou moral dont il s’estime victime peut s’exonérer de sa responsabilité pénale, lorsqu’il a dénoncé ces agissements auprès de son employeur (le directeur, le DRH / RRH) ou à des organes chargés de l’application des dispositions légales (les représentants du personnel, le référent harcèlement, l’inspection du travail, le médecin du travail, les services de police, les services de justice).
Toutefois, pour bénéficier de cette cause d’irresponsabilité pénale, le salarié doit avoir réservé la révélation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail et non l’avoir aussi adressée à des personnes ne disposant pas de l’une de ces qualités.
A défaut, la dénonciation constitue une diffamation publique. Le salarié peut alors faire l’objet d’une action en diffamation de la part de l’auteur présumé des agissements.
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Cour de cassation, chambre criminelle, 26 novembre 2019, n° 19-80.360 (ne bénéficie pas de l’immunité pénale et s’expose à des poursuites pénales sur le fondement de la diffamation publique le salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral sans avoir réservé cette dénonciation à l’employeur ou à des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail)