CHSCT: Vote d’une expertise

Le vote d’une expertise peut intervenir même si l’ordre du jour ne l’a pas prévu explicitement

decision tribunal-jL’ordre du jour du CHSCT ne peut préjuger du contenu des échanges et encore moins de la décision de faire appel à un expert, estime le TGI de Bobigny. Le tribunal déboute donc la demande de la NVO (la société éditrice du journal de la CGT) visant à annuler le vote par le CHSCT d’une expertise sur les risques psychosociaux, après qu’une réduction d’effectifs ait été annoncée.

Un employeur qui conteste la décision du CHSCT de lancer une expertise sur les risques psychosociaux : l’affaire est ordinaire. Elle l’est un peu moins lorsque cet employeur est lui-même un syndicat. En l’occurrence, la CGT. Ou plus exactement la direction de la « nouvelle société anonyme La Vie ouvrière », le pôle presse de la confédération. Cette direction a saisi le TGI de Bobigny (Seine-Saint-Denis) le 15 avril afin de faire annuler la délibération du CHSCT sur une expertise sur les risques psychosociaux.

Suppressions de postes

Les membres du CHSCT ont en effet décidé le 20 mars de lancer cette expertise après l’annonce par la direction de NVO d’une réorganisation et le passage à 39 postes, au lieu de 54 actuellement, pigistes non compris, une réorganisation encore jugée bien floue par les membres de l’instance. Pour le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l’annonce de la réorganisation a provoqué un sentiment « de détresse » dans le personnel, un « surplus de travail » et génère un « grave risque psycho-social ». Cette situation, ajoute le CHSCT, survient après trois plans sociaux engagés depuis quelques années suite aux difficultés économiques du pôle presse.

Les arguments de la direction de la NVO

Pour justifier sa demande, en référé, d’annuler l’expertise décidée par le CHSCT, la direction de la NVO a fait valoir plusieurs arguments. La CGT soutient d’abord que le vote de la délibération n’était pas inscrit à l’ordre du jour du CHSCT et que celle-ci n’a pas été discutée et adoptée en réunion. Ensuite, NVO estime que le recours à l’expertise doit être « exceptionnel et subsidiaire et n’intervenir qu’après que le CHSCT ait épuisé ses propres pouvoirs d’analyse et d’enquête ». Enfin, elle conteste l’existence d’un risque grave car celui-ci devrait être caractérisé « par des critères objectifs » et non par « un sentiment diffus ». 
Sur tous ces points, le TGI donne tort à la NVO et raison au CHSCT.

Ordre du jour, débats, nature du risque : les motivations du juge

La non inscription à l’ordre du jour du vote d’une résolution sur une expertise ? « Les ordres du jour ne peuvent préjuger du contenu des échanges ni anticiper le constat de l’existence d’un risque grave et encore moins la conclusion que le CHSCT se verrait contraint de faire appel à un expert pour évaluer ce risque », tranche le juge. Ce dernier note au passage que la mention inscrite à l’ordre du jour (« saisine du CHSCT par le CE ») faisait référence à la demande du CE de saisir le CHSCT à propos de l’impact du projet sur les conditions de travail des salariés.
L’absence de discussions préalables ? Le PV montre « que la résolution litigieuse a été expressément discutée puis mise aux voix et adoptée à l’issue de longues délibérations ».
Une expertise prématurée ? Si le CHSCT peut procéder à l’analyse des risques professionnels ainsi qu’à une analyse des conditions de travail (article L4612-2 du code du travail), répond le juge, l’instance « peut décider de faire directement appel à un expert dès lors qu’il constate d’emblée qu’il n’a pas les moyens, par lui-même, d’analyser et d’évaluer les répercussions potentielles, pour la santé des salariés, des risques qu’il a identifiés ». 
L’absence de risque grave ? « Le CHSCT a pu considérer qu’étaient réunis les éléments constitutifs de risques psychosociaux susceptibles de porter des atteintes graves à la santé des salariés dès lors que plusieurs rapportent un état de stress, des troubles du sommeil ou un sentiment d’épuisement caractérisant de graves dégradations de leurs conditions de travail », rétorque le juge qui déboute donc la direction de NVO de sa demande.

Quel avenir pour la presse de la CGT ?

Ce jugement semble avoir eu quelque conséquence à la CGT. Le projet de réduction des effectifs de la NVO visait en effet à « pérenniser l’entreprise de presse », aujourd’hui « au bord du dépôt de bilan » du fait d’une baisse de la diffusion, tombée à 24 000 abonnements, selon sa directrice, Agnès Naton, citée par l’AFP. Le moyen de ce redressement passait, selon les dirigeants de NVO, par un projet « bimédia », avec un site internet, une plateforme web et une publication papier seulement trimestrielle. Mais la CGT a décidé, lors d’un comité confédéral national le 13 mai, rapportent les Echos, de poursuivre une publication papier avec 8 à 12 numéros par an tout en développant le site internet, les organisations de la CGT étant appelées à combler le déficit de la NVO, de l’ordre de 1,5 million d’euros en 2013.

Le sujet doit être à l’ordre du jour !
Attention ! La Cour de cassation a établi qu’un CHSCT ne pouvait adopter une délibération prévoyant le recours à un expert que si l’ordre du jour du CHSCT prévoit l’information et la consultation du comité sur le projet concerné (voir cet arrêt du 13 novembre 2007). Autrement dit, même si l’ordre du jour ne mentionne pas explicitement la désignation d’un expert, celle-ci n’est possible que si elle a un lien avec un point inscrit à l’ordre du jour.

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