La CFE-CGC peut-elle perdre sa représentativité pour défaut d’indépendance ?
A la suite de l’affaire de la « note de cadrage » rédigée par le DRH à l’intention du CSE CS&MPS et lue par le Président pour que le comité l’applique telle quelle, on peut se poser la question ?
Le 18 octobre dernier, les managers qui sont les élus CFE-CGC ont voté la mise en application de cette note de cadrage sans en changer une virgule, exhortés à le faire par le président du CSE qui est leur patron opérationnel.
On a même vu le DS CFDT demander que se tienne une réunion CFDT-CFE-Direction pendant une suspension alors que l’aménagement des lieux de Vanesses était en discussion.
Dans une affaire, les juges ont répondu qu’il y avait une limite à ne pas dépasser.
Depuis la loi du 20 août 2008, la représentativité s’apprécie à la lumière de sept critères énoncés à l’article L 2121-1 du code du travail à savoir le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l’audience, l’influence caractérisée par l’activité et l’expérience ainsi que les effectifs et les cotisations.
Le juge n’apprécie pas ces critères de la même manière (Cass. soc., 14-11-13, n°12-29984). Les critères relatifs à l’influence, aux effectifs d’adhérents et aux cotisations, à l’ancienneté ainsi qu’à l’audience électorale doivent faire l’objet d’une appréciation globale valable pour la durée du cycle électoral. En conséquence, dès lors qu’ils sont remplis au jour des élections, ils restent acquis jusqu’aux élections suivants. Les autres critères (valeurs républicaines, indépendance et transparence financière) doivent au contraire être satisfaits de manière autonome et permanente tout au long du cycle électoral.
La cour d’appel de Paris a récemment illustré ce principe au regard du critère d’indépendance (CA Paris, Pôle 6, 2e ch., 4-6-15, n°13/07945).
En l’espèce, le syndicat SNEPS-CFTC intente une action en justice afin de contester la représentativité du syndicat UNSA Lancry protection sécurité. Pour rappel, la Cour de cassation a précisé qu’il n’était pas possible de contester la représentativité d’une organisation syndicale indépendamment de l’exercice par cette organisation d’une prérogative subordonnée à la qualité de syndicat représentatif (Cass. soc., 15-4-15, n°14-19496). Or, il semble que ce ne soit pas le cas dans cette affaire.
Le tribunal de grande instance rejette la demande formulée par le syndicat SNEPS-CFTC. Celui-ci interjette appel.
La cour d’appel de Paris fait droit à la demande du syndicat SNEPS-CFTC en considérant que le syndicat UNSA Lancry protection sécurité n’est pas représentatif pour absence d’indépendance.
La cour d’appel rappelle que « le respect du critère de l’indépendance s’apprécie de façon autonome par rapport aux autres critères, et doit être satisfait de façon permanente. L’indépendance est, en effet, une condition fondamentale de l’aptitude d’un syndicat à représenter la collectivité des travailleurs. »
Les critères de représentativité s’apprécient de manière autonome c’est-à-dire de manière indépendante les uns des autres.
Ils sont cumulatifs en ce sens qu’ils doivent tous être remplis par le syndicat.
Deux précisions peuvent être apportées sur ce point.
La première précision est relative à la particularité du critère d’indépendance. Ce critère constitue une condition essentielle pour avoir la qualité de syndicat professionnel. En effet, le défaut d’indépendance rend l’objet du syndicat illicite (Cass. ch. Mixte., 10-4-98, n°97-17870).
La seconde précision est que le critère de l’audience ne peut, à lui seul, compenser le non-respect du critère d’indépendance.
En l’espèce, le fait que le syndicat UNSA Lancry protection sécurité ait obtenu 67 % des voix dans le premier collège et 60 % dans le second collège n’est pas suffisant pour établir sa représentativité dans la mesure où le juge conclu, par le présent arrêt, au défaut d’indépendance du syndicat.
La charge de la preuve du défaut d’indépendance d’un syndicat pèse sur celui qui la conteste. Selon la cour d’appel cette preuve « peut résulter d’un faisceau d’indices ».
En l’espèce les manquements au principe d’indépendance résultaient des faits suivants :
lors d’un mouvement de grève, « antérieur de seulement quelques semaines à la saisine du juge des représentants du syndicat UNSA Lancry Protection Securite, opposés à la grève, ont eu un comportement pour le moins ambigu notamment en relevant l’identité des grévistes et en remettant leur liste au représentant de l’employeur » ;
un représentant syndical de l’UNSA au comité d’établissement avait assisté l’employeur lors d’un entretien avec un salarié ;
le secrétaire général du syndicat, tout en conservant ses mandats et ses responsabilités syndicales, avaient été promu à un poste de responsabilité. Dans le cadre de ses responsabilités accrues, le secrétaire général avait, sur une certaine période, reçu une délégation de l’employeur permettant le prononcé de sanctions disciplinaires ;
l’employeur a fait preuve de complaisance à l’égard des manquements dont le secrétaire général a pu être responsable en matière de respect des règles légales sur la durée du travail alors qu’au contraire plusieurs responsables du syndicat SNEPS-CFTC, critiques à l’égard du syndicat UNSA ont fait l’objet d’une discrimination syndicale de la part de l’employeur.
La cour d’appel estime qu’ « il en résulte que le syndicat SNEPS-CFTC démontre l’absence d’indépendance du syndicat UNSA Lancry Protection Securite. Ce syndicat n’est donc pas représentatif ».