Le principe de Dilbert, ou pourquoi les plus mauvais sont promus managers

Le principe de Dilbert, ou pourquoi les plus mauvais sont promus managers  16 octobre 2018 par Cadreo

Selon cette loi du travail, les managers sont promus, non pas pour leurs compĂ©tences, mais pour Ă©viter qu’ils causent trop de dĂ©gĂąts Ă  l’entreprise….

Vous connaissez dĂ©jĂ  probablement le principe de Peter, selon lequel, « dans une hiĂ©rarchie, tout employĂ© a tendance Ă  s’élever Ă  son niveau d’incompĂ©tence » et « avec le temps, tout poste sera occupĂ© par un employĂ© incapable d’en assumer la responsabilité ». Le principe de Dilbert, que l’on doit au dessinateur Scott Adams, s’en inspire trĂšs fortement mais le limite aux seuls cadres et rĂ©pond, en creux, au manquement du principe de Peter.

Explications : dans une entreprise dilbertienne, « les gens les moins compĂ©tents sont systĂ©matiquement affectĂ©s aux postes oĂč ils risquent de causer le moins de dĂ©gĂąts : ceux de managers ».  Selon le principe de Peter, un manager incompĂ©tent Ă©tait donc compĂ©tent Ă  son poste prĂ©cĂ©dent, mais avec le principe de Dilbert c’est le contraire : les dirigeants Ă©taient les plus mauvais aux postes subordonnĂ©s. « En particulier, (s’ils) ne comprennent rien Ă  la technologie et manquent de bon sens dans les cas les plus graves », prĂ©cise la page WikipĂ©dia qui lui est consacrĂ©. Et d’ajouter que le « principe de Dilbert apporte en thĂ©orie une solution Ă  la problĂ©matique posĂ©e par le principe de Peter :

  • les employĂ©s incompĂ©tents ne restent pas dans un poste oĂč ils ne sont pas compĂ©tents (car promus) ;
  • les employĂ©s compĂ©tents restent Ă  un poste oĂč ils sont compĂ©tents car non-promus ».

> Etes-vous un imposteur au travail ?

Les principes de Dilbert et de Peter ont rencontrĂ© un succĂšs bien comprĂ©hensible mĂȘme si leur logique frĂŽle l’absurde. Des entreprises qui n’auraient que du personnel incompĂ©tent aux plus hautes fonctions ne feraient pas long feu. A moins que… ?

Promu au mĂ©rite, ou pas…

Deux Ă©conomistes, George Akerlof et Pascal Michaillat, ont voulu comprendre le phĂ©nomĂšne des promotions en entreprise, en s’inspirant d’une recherche menĂ©e par des entomologistes dans les annĂ©es 50. Pour eux, elles s’expliquent par homophilie et xĂ©nophobie. « C’est ce que nous appelons le syndrome du scarabĂ©e : dĂšs lors qu’on effectue des promotions au sein d’une organisation hiĂ©rarchisĂ©e, les managers et autres dirigeants ont tendance non seulement Ă  favoriser la similaritĂ©, mais aussi Ă  rejeter l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©ité ». Un phĂ©nomĂšne qui expliquerait Ă©galement la faible reprĂ©sentation des femmes en entreprise. « Notre modĂšle de calcul permet de comprendre pourquoi en Occident les organisations dirigĂ©es par des hommes le sont, en gĂ©nĂ©ral, ad vitam ĂŠternam. C’est que le syndrome du scarabĂ©e les pousse Ă  promouvoir ceux qui leur ressemblent, et donc, Ă  rejeter le sexe opposé », expliquent les Ă©conomistes.

Rien de vraiment neuf. Comme l’expliquait dans un prĂ©cĂ©dent article le chercheur François Sarfati, « en France, vous constatez que les promotions ne reposent pas uniquement sur les compĂ©tences. Les ascensions de carriĂšre sont fortement liĂ©es au diplĂŽme. La cooptation, le rĂ©seau des anciens – parce qu’il sort de la mĂȘme Ă©cole que moi je sais ce qu’il vaut- joue Ă©galement pour beaucoup dans la place que l’on va occuper ensuite ». Ce que l’on appelle communĂ©ment l’entre-soi…

L’habit fait le moine

Thomas Chamorro-Premuzic, psychologue organisationnel, a Ă©galement voulu rĂ©pondre, dans un article publiĂ© sur le site de la Harvard Business Review, Ă  la question que de nombreux salariĂ©s se posent : « Pourquoi autant d’hommes incompĂ©tents deviennent des leaders ? » Pour lui, cela tient au fait qu’une personne Ă  l’air assurĂ© est plus souvent perçue comme compĂ©tente. Mais, ajoute-t-il, le plus souvent « nous confondons arrogance et leadership ». La rĂ©flexion du psy amĂšne tout naturellement Ă  une autre loi, celle de Dunning-Kruger qui veut que les plus mauvais se croient douĂ©s

> Faut-il montrer les muscles pour ĂȘtre un bon manager ?

Bref, si l’on en croit toutes ces lois du travail, les personnes managers sont nulles, ne doivent leur poste qu’Ă  leur rĂ©seau et, en plus, selon le principe d’Hubris, leur position sociale Ă©levĂ©e dans l’entreprise les rendrait folles. Alors, comment promouvoir les salariĂ©s ? En se fiant au hasard ! rĂ©pondent trois physiciens italiens. S’appuyant sur une approche statistique, ils sont en effet arrivĂ©s Ă  la conclusion que tirer au sort les employĂ©s promus amĂ©liorait les performances de l’entreprise, contrairement Ă  l’approche mĂ©ritocratique. « Au premier abord, cette idĂ©e de loterie comme la meilleure mĂ©thode de garantir la bonne marche de l’entreprise parait choquante, sinon comique. Et pourtant, on ne devrait pas s’en Ă©tonner : Ă  la diffĂ©rence du monde matĂ©riel, oĂč les lois physiques et mathĂ©matiques permettent de calculer les Ă©vĂ©nements prĂ©sents ou Ă  venir avec prĂ©cision, les comportements humains ne se laissent pas si facilement programmer ni deviner ». Alors que le hasard fait si bien les choses…

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