Discrimination de grévistes, un jeu dangereux pour qui le pratique

Les textes. Dans le sillage de l’article L.1132-1, par lequel s’ouvre le chapitre du Code du travail consacré au « principe de non-discrimination », l’article L.1132-2 énonce qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération, « en raison de l’exercice normal du droit de grève ». Cette exigence est confortée par le second alinéa de l’article L.2511-1, posant que l’exercice du droit de grève « ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L.1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux ».

greve

La position des juges. Ces dispositions semblent prohiber toute possibilité pour l’employeur d’attribuer une prime à des salariés au motif qu’ils n’ont pas participé à une grève – le refus de l’accorder aux salariés grévistes caractérisant, en pareille hypothèse, une discrimination. C’est ce que rappellent les juges : « Est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève » (Soc. 01.06.10, n° 09-40144).

La grève suspend le contrat de travail des salariés grévistes. Ces salariés ne fournissant plus de prestation de travail, l’employeur n’a pas à leur verser de salaire. Le non-paiement d’une prime, fondé sur ce motif d’absence, est moins évident et peut être jugé discriminatoire.

Ne pas payer une prime à des salariés grévistes est une mesure discriminatoire lorsque cette prime est néanmoins versée à des salariés absents pour des motifs autres que l’exercice de leur droit de grève.

L’affaire. –

L’accord collectif applicable dans une entreprise prévoyait le paiement d’une « prime de présentéisme », sauf en cas d’absences :

  • – pour maladies,
  • – non motivées,
  • – non rémunérées,
  • – liées à une sanction,
  • – pour congés non payés.

Des salariés, écartés du bénéfice de cette prime pour avoir participé à une grève, réclamaient son paiement.

Pour les premiers juges, les termes de l’accord permettaient de ne pas verser la prime en cas d’absence non autorisée par l’entreprise, même pendant une heure. La Cour de cassation a, au contraire, jugé que le non-paiement de la prime aux grévistes constituait une mesure discriminatoire, d’autres absences n’empêchant pas de bénéficier de la prime (c. trav. art. L. 521-1).

Suppression d’une prime, sous condition.

L’employeur peut tenir compte de l’absence d’un salarié gréviste pour réduire ou supprimer une prime, à la condition que tout autre motif d’absence (maladie, maternité, etc.), autorisé ou non, ait la même conséquence. À défaut, la suppression d’une prime pour certaines absences seulement est discriminatoire (cass. soc. 15 février 2006, n° 04-45738, BC V n° 65).

Conséquences pratiques. Une prime soumise à une condition de présence peut exister dans l’entreprise. Lorsque l’employeur en instaure une, il peut avoir intérêt à s’assurer que tout motif d’absence exclut le paiement de la prime, et pas uniquement certains motifs limitativement énumérés.

Fichier des grévistes

«C’est illégal. On n’informe pas les salariés qu’ils figurent sur ces fichiers, on ne les informe même pas de l’existence de ces fichiers. C’est contraire à l’article L1222-4 du code du travail», qui stipule qu’«aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance».

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