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Depuis dix ans, la bataille fait rage chez Xerox

Depuis 2011, les syndicats de Xerox mÚnent une guérilla judiciaire pour faire reconnaßtre le préjudice subi par les salariés sur la participation aux résultats.

Rares sont les syndicalistes Ă  s’ĂȘtre lancĂ©s dans la bataille contre l’opti­misation fiscale. L’affaire Xerox constitue un cas d’Ă©cole en la matiĂšre. Depuis dix ans, les syndi­cats de la filiale française de ce grand groupe (CGC, CFTC, CFDT) mĂšnent une guĂ©rilla judiciaire pour faire reconnaĂźtre le prĂ©judice subi par les salariĂ©s concernant leur participation aux rĂ©sultats.

Tout commence en 1996, lorsque Xerox, distributeur de produits de reprographie, adopte le statut de « commissionnaire ». Dans les annĂ©es 2000, ce schĂ©ma a beaucoup de succĂšs auprĂšs des groupes Ă©trangers car il est trĂšs avantageux sur le plan fiscal. La filiale française devient un prestataire de services pour le compte de l’entitĂ© britannique du groupe, Ranx Xerox Limited. Elle est rĂ©munĂ©rĂ©e sur la base d’une commission en pourcentage du chiffre d’affaires. Cette Ă©volution a affectĂ© le bĂ©nĂ©fice fiscal, qui sert de base au calcul de la rĂ©serve spĂ©ciale de participation. «Depuis, les salariĂ©s ne perçoivent plus de participation au vu des comptes sociaux de l’entreprise », explique l’avocat des syndicats, Roland Zerah.

Pendant plusieurs annĂ©es, les dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux ont tentĂ© de faire rectifier le montage avec l’aide de leur expert-comptable. En 2011, ils finissent par assigner leur employeur en justice. Dans ses con­clusions, l’avocat des syndicats estime que la rĂ©munĂ©ration conte­nue dans le contrat de commissionnaire « constitue une fraude aux droits des salariĂ©s au titre de la participation ». Xerox, de son cĂŽtĂ©, avance qu’« aucun Ă©lĂ©ment concret ne vient dĂ©montrer que l’entreprise aurait pu verser de la participation si elle Ă©tait restĂ©e distributeur.» Elle invoque les articles du Code du travail interdi­sant des actions judiciaires ayant pour objet de remettre en cause les comptes sociaux s’ils ont Ă©tĂ© attestĂ©s par le commissaire aux comptes.

Cassation sans renvoi

En juin 2014, le syndicat obtient gain de cause en premiĂšre instance. Le tribunal de grande instance de Bobigny dĂ©clare « inopposables aux salariĂ©s » les dispositions du contrat de commissionnaire et obtient la nomination d’un expert pour estimer le montant dĂ» aux employĂ©s. En sep­tembre 2016, ce jugement est confirmĂ© en appel. L’expert Ă©value le manque Ă  gagner pour les salariĂ©s Ă  85 millions d’euros pour la pĂ©riode 2005 Ă  2015.

La situation se retourne, deux ans plus tard, lors du pourvoi en cassation. La Cour casse le jugement en appel au motif que la sincĂ©ritĂ© de l’attestation des commissaires aux comptes ne peut pas ĂȘtre remise en cause. Une dĂ©cision similaire Ă  l’affaire Wolters Kluver, quelques mois plus tĂŽt. A noter qu’il s’agissait d’une cassation sans renvoi, un cas de figure peu frĂ©quent.

MalgrĂ© ce revers, la CGC dĂ©cide de relancer la procĂ©dure, d’une part en saisissant la Cour europĂ©enne des droits de l’homme pour absence de procĂšs Ă©quitable, et d’autre part en assignant de nouveau leur employeur devant le tribunal de grande instance. «L’autoritĂ© de la chose jugĂ©e ne concerne que l’absence de remise en cause de l’attestation du commissaire aux comptes et pas la fraude en elle-mĂȘme », souligne Roland Zerah. Entre-temps, Xerox a changĂ© de statut suite aux directives de l’OCDE contre l’optimisation fiscale. La sociĂ©tĂ© est devenue un « distributeur Ă  risque limité». Mais cette Ă©volution n’amĂ©liorera en rien le montant de la participation des salariĂ©s, estiment les syndicats.

Devant les prud’hommes, la bataille se poursuit, avec 1.150 procĂ©dures individuelles. L’ensemble de ces procĂ©dures pourraient aboutir Ă  partir de 2020. En attendant le jugement, Xerox n’a pas souhaitĂ© commenter le dossier. ■

Mardi 16 avril 2019 Les Echos

Ingrid Feuerstein @In_Feuerstein

 

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